La note du président - 4/2006 des Langues Modernes

jeudi 28 décembre 2006

par Sylvestre Vanuxem, Président de l’APLV

Le plurilinguisme est décidément un sujet d’actualité. Lors de la dernière réunion de l’Icann ((Internet Corporation for Assigned Names and Numbers), le très controversé organisme américain chargé de la régulation de l’Internet, la domination de l’anglais a été remise en question par les représentants de nombreux pays asiatiques, la Chine en tête. Outre le fait que les noms de domaines soient en anglais et que les langages de programmation ou de mise en page de la toile soient fondés sur cette langue, c’est aussi le recours systématique à l’alphabet latin qu’ils contestent. Leurs arguments peuvent être convaincants : des noms de sites chinois, arabes, thaïs, hébreux, russes, sanskrits ou autres ne peuvent être rendus que de façon approximative par les caractères latins. Ceci réduit l’accès à l’internet pour les utilisateurs ne maîtrisant pas cet alphabet et induit un coût pour les entreprises chinoises qui doivent faire appel à des traducteurs afin de pouvoir apparaître dans le cyberespace et sont de ce fait désavantagées. D’autres arguments ont été opposés à ces contestations : le fait de pouvoir utiliser d’autres caractères que ceux de l’alphabet latin dans les noms de domaines ou de sites pourrait conduire à une « balkanisation » de l’internet, ce qui ne serait pas souhaitable ; on peut aussi considérer que le fait de taper une adresse n’est qu’un code interprété par une machine et ne constitue pas une véritable forme de communication. Passé l’obstacle de l’adresse, l’internet redevient un espace de liberté où toutes les langues ont droit de cité. Après tout, les internautes non anglophones sont déjà habitués à faire un certain nombre concessions comme l’absence d’accents pour les francophones, mais aussi à utiliser des symboles comme l’arobe ou les tirets qui n’ont pas de sens dans leur langue. L’APLV qui prône l’apprentissage de toutes les langues ne peut pas vraiment prendre position dans ce débat dont les enjeux sont aussi économiques et politiques ; mais il est amusant de constater que, pour une fois, les promoteurs de l’espéranto qui interviennent souvent dans le débat sur le plurilinguisme faisant valoir que cette langue est la solution à tous les problèmes d’intercompréhension, se trouveront fort dépourvus face à la question de la domination de l’alphabet latin sur Internet !

Le Ministre de l’Education Nationale lit-il Les Langues Modernes ? On est en droit de se poser la question puisqu’il vient d’annoncer en même temps son intention de tout faire pour favoriser les rapprochements de conjoints et surtout une réforme des IUFM dont le but est que la formation prépare mieux les futurs professeurs aux difficultés du métier. Si la réponse à la question ci-dessus était négative et qu’il ne s’agissait que d’une coïncidence, on pourrait vivement conseiller au ministre la lecture du numéro 3/06 de notre revue consacré aux premières années de la carrière d’enseignant de langues. Espérons que cette réforme ne se fera pas en dépit du bon sens et que toutes parties concernées seront mises à contribution pour qu’elle soit un succès.
En ces temps de campagne électorale où l’on annonce beaucoup et dans une atmosphère de fin de mandat on pourrait aussi craindre qu’une telle réforme finisse par ne jamais voir le jour.

Le 24 octobre 2006, une rencontre sur le thème du CLES (Certificat de Langue de l’Enseignement Supérieur) était organisée à l’Université de Marne-La-Vallée. Il semble qu’un certain nombre d’universités partenaires de ce projet lancé en 2000 et un temps considéré comme moribond aient décidé de le relancer et de lui donner une nouvelle impulsion. Ce certificat basé sur le Cadre Européen Commun de Référence a déjà été délivré à un certain nombre d’étudiants de disciplines non linguistiques mais souffre encore d’un déficit chronique de notoriété lié au manque de moyens alloués au projet. Le fait de ne pas mettre ce certificat en concurrence avec d’autres bien connus proposés par des organismes privés est aussi considéré comme une nouvelle piste pour assurer son succès. On ne peut que saluer cette initiative tout en remarquant qu’il serait bienvenu d’associer à la réflexion toutes les associations de linguistes, y compris celles comme l’APLV qui ne sont pas constituées que d’enseignants du supérieur, car la notoriété d’un certificat et sa préparation commencent bien avant l’accès à l’université.

Ce numéro des Langues Modernes consacré à la bande dessinée dans l’enseignement des langues clôture en beauté cette année de célébration des 100 ans de la revue de l’APLV. On ne peut à présent que souhaiter cent nouvelles années de vie à l’APLV et aux Langues Modernes avec un fort espoir que leur parution ne soit pas interrompue en raison d’évènements tragiques comme elle le fut au cours du siècle écoulé, nous privant de la joie de fêter en même temps les anniversaires de la revue et de l’association.

Vous trouverez dans ce numéro et sur notre site le bulletin de vote pour le scrutin de renouvellement du comité. En raison des délais de parution, les langues modernes vous parviendront malheureusement après l’Assemblée Générale des 9 et 10 décembre au cours de laquelle le scrutin sera ouvert. Pour cette raison, les votes par correspondance seront reçus au siège de l’APLV jusqu’au 11 janvier 2007 Le dépouillement sera effectué lors d’une assemblée générale extraordinaire qui aura lieu lors de la prochaine réunion du comité de l’APLV le 27 janvier 2007. Participez à la vie de votre association : votez !

Bonne lecture.