In memoriam Gérard Hardin, par François Monnanteuil, président d’honneur de l’APLV

mercredi 14 mars 2012

(Gérard Hardin est décédé le 25 novembre 2011)

Entré en 1955 à l’ENS Cachan, en un temps où cette institution s’appelait « École normale supérieure de l’enseignement technique », et reçu à l’agrégation d’anglais en 1960, Gérard Hardin est toujours resté fidèle à l’enseignement dit « technique » puisqu’il a fini sa carrière de professeur en enseignant dans les classes préparatoires aux grandes écoles économiques et commerciales du plus prestigieux des lycées publics parisiens pour les technologies tertiaires, l’École nationale de commerce du boulevard Bessières.

Il a lui-même raconté, dans le numéro que la revue a consacré en 2003 au centenaire de l’association, comment il avait rejoint l’APLV à l’initiative d’un membre du bureau, Henri Marcy, qui avait remarqué sa violente critique de « l’étroitesse, voire la vacuité des programmes d’anglais en vigueur dans le Technique », parue dans l’organe du Syndicat de l’Enseignement Technique.
Après avoir été vice-président chargé des questions pédagogiques, il présida l’APLV de 1970 à 1977. À n’en pas douter, beaucoup de ceux qui ont ensuite eu des responsabilités dans l’association s’y sont intéressés parce qu’ils avaient entendu Gérard Hardin exprimer par une argumentation à la fois rigoureuse et passionnée ce qu’ils percevaient ou ressentaient confusément sans être capables de le formuler : la certitude qu’un enseignement ne peut être efficace que si les moyens qui lui sont donnés et les objectifs qui lui sont assignés sont en cohérence avec les finalités de l’École dans la société. Ainsi, au-delà de ce que Gérard Hardin appelait volontiers l’obsession de la performance immédiate, tout enseignement d’une langue, quelle qu’elle soit, permet-il à l’élève de construire sa capacité à apprendre des langues et de percevoir et respecter l’altérité. Et ce sont là deux composantes essentielles de la formation du citoyen lorsque la construction européenne se renforce et que les échanges se mondialisent.
Une telle définition des enjeux intellectuels et sociaux de l’apprentissage des langues a tout naturellement conduit Gérard Hardin à des activités internationales, depuis la présidence de la Fédération internationale des professeurs de langues vivantes (FIPLV) de 1975 à 1977, jusqu’à l’organisation en 1998, avec Michel Candelier, d’un atelier du Centre de langues du Conseil de l’Europe à Graz, qui a réuni 35 participants venus de 26 pays sur le thème « l’enseignement des langues et la tolérance ».

L’engagement au service de l’enseignement des langues vivantes l’a aussi conduit à de multiples publications. Au début des années 1970, il y eut Pédagogie de l’anglais, co-écrit avec Maurice Antier, autre ancien président de l’APLV, et l’inspecteur Denis Girard. Cet ouvrage guida pendant longtemps tous les professeurs à leur entrée dans le métier. Il y eut aussi Today, une collection de manuels pour le lycée, conçus avec Robert Ruard, où la pratique de l’anglais était constamment associée à une solide réflexion sur la langue et sur les sociétés où elle se parle. Gérard Hardin traduisit dès 1984 la grammaire de Thomson et Martinet. Dans les années 1990, il publia, en association avec Cynthia Picot, une initiation pratique à la traduction chez Dunod, puis chez Press Pocket une grammaire anglaise pour tous (avec Michel Marcheteau, Michel Savio et Jean-Pierre Berman), encore rééditée en 2001, ainsi que divers ouvrages bilingues, notamment des nouvelles d’Oscar Wilde et de Patricia Highsmith. Ces activités éditoriales étaient à l’évidence inspirées par la même ambition que son engagement associatif : donner à chacun les moyens d’apprendre l’anglais en comprenant comment la langue fonctionne et en se donnant la possibilité d’accéder à des ouvrages écrits en anglais pour découvrir le plaisir de la lecture et entrer dans la culture.
La multiplicité des ouvrages écrits avec d’autres auteurs confirme le goût pour le travail collectif qu’implique toute activité militante dans une association. Tous ceux qui ont participé à des réunions de l’APLV ont encore en mémoire son sens de la formule, qui lui permettait de faire vivre en une phrase une situation concrète illustrant un problème complexe, ou, dans les moments conviviaux, de raconter avec humour un épisode d’une sortie en voilier dans les eaux de sa chère Bretagne.
Gérard Hardin nous a quittés en novembre dernier. Pénétré de la langue qu’il enseignait et conscient de tous les enjeux sociaux liés au métier de professeur, il nous laisse l’exemple d’un grand humaniste, convaincu et chaleureux.

François Monnanteuil
Président d’honneur de l’APLV

Publié dans le n° 1/2012 des Langues Modernes.