La note du président - N°3/2013 des « Langues Modernes », par Jean-Marc Delagneau

lundi 30 septembre 2013

L’année scolaire et universitaire précédente s’est terminée avec de nombreux dossiers ouverts concernant les langues vivantes tant étrangères que régionales, à tous les niveaux d’enseignement comme au niveau de la formation des maîtres ; ces dossiers ont amené l’APLV à rencontrer immédiatement, lors d’audiences successives, les conseillers respectifs du Premier Ministre, de la Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, ainsi que du Ministre de l’Éducation Nationale, pour leur faire part à la fois des inquiétudes et remarques des collègues de terrain et des analyses de collègues impliqués dans la recherche dédiée dont l’APLV a fait la synthèse dans les diverses positions publiées sur son site, comme dans ses interventions dans les médias. La rentrée a très vite remis ces questions au premier plan de l’actualité et l’Assemblée Générale de l’APLV, les 12 et 13 octobre prochains au Lycée Henri IV à Paris, sera l’occasion de faire le point avec un grand nombre de collègues, en particulier lors de la journée d’étude du samedi 12 octobre ouverte à tous et consacrée à un dossier urgent : les épreuves de langues vivantes au Baccalauréat lors de la dernière session et les aménagements nécessaires pour la prochaine session. L’enquête lancée par l’APLV auprès des collègues de toutes les langues concernées, courant juillet, a recueilli un nombre conséquent de réponses et leur analyse sera présentée lors de la journée d’étude, grâce au travail de l’équipe du CA autour de Michel Morel, vice-président, et de Pascal Lenoir. Elle s’inscrit dans l’action menée sans relâche par l’APLV depuis l’annonce et la mise en place de cette réforme. Elle servira à préparer une nouvelle intervention auprès du Ministère. Le programme de cette journée figurera sur le site Internet de l’APLV la semaine précédente. Les modalités de vote direct ou par procuration pour le renouvellement partiel du CA, lors de l’AG, seront adressées aux adhérents par courrier électronique ou postal.

La première des trois entrevues ministérielles précédant les vacances a eu lieu au cabinet du Premier Ministre le 30 mai dernier, où une délégation tripartite, composée de Pierre Escudé représentant la section 73 du Conseil National des Universités (Langues et Cultures Régionales), Daniel Coste, Président de l’Association pour le Développement de l’enseignement bi/plurilingue (ADEB) et moi-même représentant l’APLV - ainsi que la FELCO adhérente de l’APLV qui m’avait mandaté pour la représenter - a rencontré Monsieur de Gaudemar, Conseiller du Premier Ministre, sur les questions relevant de l’enseignement des langues vivantes régionales. Ce fut l’occasion de débattre de la problématique actuelle du maintien et du développement de l’enseignement bilingue, réalisant concrètement pour les élèves concernés une ouverture à l’apprentissage ultérieur d’autres langues et donc à la diversité linguistique, ainsi que de faire un tour d’horizon des problèmes actuels auxquels sont confrontés l’ensemble des enseignements de langues vivantes régionales comme étrangères à tous les niveaux d’enseignement. La délégation a souligné la nécessité d’une véritable politique des langues vivantes au niveau national pour éviter les dérives locales et régionales qui remettent en cause l’égalité républicaine des citoyens et l’égalité des territoires dans le respect de leur diversité. J’ai informé par ailleurs notre interlocuteur des deux demandes d’audience en attente auprès des ministères concernés.

La deuxième rencontre a eu lieu le 3 juillet au cabinet de la Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, où Roselyne Mogin-Martin, vice-présidente de l’APLV et moi-même avons rencontré M. Daniel Filâtre, Conseiller de la Ministre, auquel nous avons présenté nos inquiétudes à propos du maintien et du développement de la diversité linguistique sur l’ensemble du territoire national dans les différentes structures de l’enseignement supérieur, que ce soit pour les filières LCE, LEA ou LANSAD. Ainsi des établissements ayant accédé à l’autonomie sont amenés à supprimer délibérément, pour des raisons strictement financières au niveau de la masse salariale qui leur incombe désormais, des filières de formation en LCE pour des langues considérées comme rares ou à petits effectifs, tout en fragilisant parallèlement les filières de LEA où intervenaient souvent les mêmes enseignants dont les postes sont gelés ou supprimés. Suite à la conjonction d’une éventuelle mauvaise interprétation locale de la nouvelle loi sur l’enseignement supérieur autorisant les cours disciplinaires en langues étrangères, mais dans les faits presque exclusivement en anglais, et des difficultés financières actuelles, de nombreux établissements sont amenés à réduire le nombre et/ou le volume horaire de cours jugés localement non prioritaires pour certaines filières, par exemple, les cours de langues vivantes pour étudiants d’autres disciplines. Ces dispositions pourraient même toucher rapidement les cours d’anglais de spécialité considérés dorénavant comme superflus par rapport aux cours disciplinaires dispensés en langue anglaise et, par ricochet, les cours de français langue étrangère. Ces mesures à courte vue ignorent les liens nécessaires des enseignements de langues vivantes avec la recherche en linguistique appliquée et en civilisation contemporaine, risquant de compromettre l’insertion professionnelle des étudiants français dans un contexte mondialisé soumis à la concurrence.

La troisième audience a eu lieu le lendemain 4 juillet, au cabinet du Ministre de l’Éducation Nationale, où Jeanny Prat, membre du CA de l’APLV, enseignante à l’IUFM de Lyon, et moi-même fûmes reçus par Messieurs Laurent Crusson et Edouard Leroy, Conseillers du Ministre. L’objet de cette rencontre était l’absence des langues vivantes étrangères dans la liste des domaines d’enseignement des programmes pour la première épreuve orale d’admission du nouveau concours de recrutement des professeurs des écoles (CRPE), selon l’arrêté du 19 avril dernier publié au Journal Officiel du 27 avril. L’APLV a manifesté son grand étonnement, alors que l’enseignement diversifié de langues vivantes, étrangères comme régionales, a été explicitement mentionné au niveau du primaire dans la Loi de Refondation de l’École, afin de renforcer et amplifier les dispositions antérieures déjà mises en place à ce niveau d’enseignement. Les langues vivantes ne peuvent être les seules disciplines pour lesquelles l’enseignant n’a pas besoin de formation spécifique, et l’on n’attend pas du Ministère la reprise de poncifs formulés par des non-spécialistes, estimant que la connaissance d’une langue, soit en tant que locuteur maternel soit à la suite d’un apprentissage plus ou moins approfondi au cours d’une scolarité antérieure pluridisciplinaire, permet ensuite de l’enseigner. Ils ont indiqué à leurs interlocuteurs que la situation résultant de cet arrêté pose également le problème de la formation spécifique des futurs enseignants du primaire à l’enseignement d’une langue vivante dans le cadre de leurs études universitaires comme des nouvelles ÉSPÉ, et plus généralement la place des langues vivantes et la validation des acquis et compétences en langues pour l’ensemble des futurs enseignants.

Ces trois entrevues ont été marquées par l’écoute attentive de nos interlocuteurs, qui ont noté les remarques de nos délégations respectives et ont souhaité poursuivre, dans les mois suivant la rentrée, le dialogue avec l’APLV sur ces dossiers, en soulignant le caractère évolutif des mesures actuellement arrêtées et l’ouverture des responsables ministériels et de leurs administrations à l’examen des arguments et suggestions de l’APLV. Nous prenons donc date pour de nouveaux échanges et ne manquerons pas de rappeler, le cas échant, à nos interlocuteurs leurs propositions.

Notre revue présente ici une livraison consacrée à la thématique de la ville, objet de nombreuses démarches didactiques à partir de documents divers dans toutes les langues enseignées. Elle poursuit ainsi son objectif à la fois d’appui pratique et de réflexion didactique à l’adresse de tous nos collègues au travers de dossiers variés, grâce au travail de la rédaction dirigée par Marie-Pascale Hamez et son adjoint Bernard Delahousse, avec l’appui des membres du Comité de lecture. Désormais les articles intégraux publiés depuis 2004 sont en ligne sur notre site et accessibles aux personnes à jour de leur abonnement, quatre ans après leur publication dans leur pagination originale au format PDF, permettant la recherche plein texte. Je remercie tout particulièrement notre Secrétaire Générale, Laure Peskine, pour la réalisation technique de ce travail avec les conseils de Christian Puren. À cette occasion Laure Peskine a réorganisé la rubrique de notre site associatif réservée aux abonnés des Langues Modernes. Je vous souhaite donc une bonne lecture et une excellente rentrée avec le soutien permanent de l’APLV.