La note du président - N°2/2016 des « Langues Modernes », par Jean-Marc Delagneau

jeudi 9 juin 2016

Depuis le début de cette année, nous n’avons guère eu d’informations directes, ni de consultations de la part de la Ministre ou de l’administration centrale de l’Éducation Nationale, au sujet des enseignements de langues vivantes étrangères et régionales et, en particulier, des incidences de la réforme du collège sur ces enseignements, contrairement aux assurances formulées par les conseillers de la Ministre, lors de la dernière audience au cabinet de la Ministre.

L’APLV, pour sa part, continue de dénoncer les dérives et incohérences qu’elle a relevées dans les projets actuels, comme, par exemple, la suppression, puis le maintien - de surcroît inégalitaire au niveau territorial - pour les classes bi-langues, la disparition pure et simple des sections européennes et de langues orientales, ou la mise en place des enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) avec des aléas injustifiés pour la pratique prévue dans ce cadre des langues vivantes étrangères et régionales, que ce soit en volume horaire comme en qualification des intervenants, souvent des enseignants de disciplines non linguistiques (DNL) dont la certification a été plus que rapide. L’APLV soutient activement les collègues des langues concernées, sans oublier les langues moins répandues et moins médiatisées, mais elle a toujours maintenu entrouverte la porte d’un dialogue constructif avec les autorités politiques et administratives dans le cadre de ses propres objectifs. L’APLV milite pour un enseignement des langues vivantes étrangères comme régionales embrassant tous les aspects inhérents à leurs natures de langues-cultures et s’appuyant sur les acquis récents de la recherche, dans tous les domaines disciplinaires et interdisciplinaires avec un accent particulier sur la didactique. Cet enseignement doit être ambitieux, diversifié et progressif de la maternelle à l’université, ouvert à tous les apprenants sur l’ensemble du territoire national, et assuré avec un horaire minimal d’exposition à chaque langue enseignée de trois heures/semaine par des enseignants qualifiés, dont les formations initiale et continue doivent être à la hauteur des enjeux.

C’est dans cet esprit que j’ai répondu naturellement à l’invitation du Syndicat National de l’Enseignement du Second Degré, le SNES-FSU, de participer à son Congrès National à Grenoble les 28 et 29 mars et j’y ai pris la parole pour exprimer les inquiétudes de l’APLV quant à la situation actuelle en matière de langues vivantes dans le second degré en soulignant les points de convergence avec les craintes exprimées par les collègues présents mandatés pour représenter l’ensemble des académies et leurs établissements de second degré. Lors des rencontres avec les différents responsables nationaux du syndicat, j’ai proposé de réactiver notre projet d’une journée d’étude commune sur la problématique actuelle des enseignements de langues vivantes dans le second degré, avec un volet particulier sur la réforme du collège, à l’image de la journée d’étude que nous avions organisée l’an dernier pour l’enseignement du premier degré.

Vu le silence actuel des représentants du pouvoir exécutif, j’ai adressé récemment un courrier à tous les présidents de groupes parlementaires de l’Assemblée Nationale et du Sénat pour attirer leur attention sur la situation des enseignements de langues vivantes dans notre pays et l’urgence d’une véritable politique nationale en la matière. La seule réponse arrivée à cette date est venue de Madame Cécile DUFLOT, Députée et Présidente du Groupe Écologiste à l’Assemblée Nationale, qui m’a reçu très cordialement le 14 avril dans son bureau à l’Assemblée et assuré de son intérêt pour nos arguments, tandis que Madame Catherine MORIN-DESSAILLY, Sénatrice appartenant au Groupe Union des Démocrates et Indépendants – Union Centriste (UDI-UC) et Présidente de la Commission de la Culture, de l’Éducation et de la Communication au Sénat, me rencontrera à la fin du mois de mai.

La conjonction de la journée de l’Europe avec le lancement prévu le 9 mai de la Semaine des Langues programmée par le Ministère avec le slogan « Osons les langues ! » aurait pu être l’occasion de reconnaître enfin au plus haut niveau la nécessité d’une véritable politique nationale d’enseignement des langues vivantes étrangères et régionales, comme le demande l’APLV. C’était non seulement l’opportunité de rappeler sur le terrain au plus grand nombre de parents et d’élèves les enjeux actuels relevant de l’étude et de la pratique de plusieurs langues vivantes, étrangères comme régionales, mais aussi peut-être celle d’amorcer à l’intention des collègues des infléchissements aux mesures défavorables à leurs enseignements, suite aux projets en cours. Le silence officiel comme les rares éléments remontant des académies laissent à penser que l’occasion risque encore d’être manquée.

Je vous souhaite une excellente lecture de la deuxième livraison des Langues Modernes, revue de l’APLV, consacrée à la traduction et coordonnée aussi avec talent par Astrid GUILLAUME. Ces deux numéros illustrent le souci permanent de l’APLV et de la rédaction de sa revue de proposer aux collègues des thématiques enrichissantes et diversifiées en articulation avec la recherche, pour contribuer à une information et une réflexion qui complètent le vécu quotidien de la classe, en l’absence de véritable formation continue régulière.