Éditorial des « Langues Modernes » n° 3/2016, par Pascal Lenoir, rédacteur en chef

mercredi 21 septembre 2016

Le présent numéro, coordonné par Émilie Perrichon (Université du Littoral Côte d’Opale) est consacré à la perspective actionnelle, esquissée par les rédacteurs du Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues et modélisée par la suite par les didacticiens.

L’idée que nous avons eue était, dans le droit-fil des numéros des Langues Modernes consacrés antérieurement au Cadre ou à ses implications didactiques, de procéder à un état des lieux sans faux fuyants ni a priori, quinze ans après sa publication. Comme le souligne la coordinatrice dans l’introduction à ce dossier, la perspective actionnelle est désormais installée dans le paysage didactique. Elle est mentionnée explicitement dans les textes officiels, et on pouvait conjecturer qu’elle a sa place dans les pratiques. Il restait à voir ce qu’il en est concrètement, et si possible dans divers contextes. Émilie Perrichon a réussi à proposer un dossier très diversifié, qui croise, comme dans nos meilleurs numéros, des contributions faisant état d’expérimentations de terrain, ainsi que des textes plus spéculatifs. Elle en présente les grands axes dans l’introduction des différents articles.

Les Langues Modernes se sont déjà intéressées au CECRL (ou Cadre) ; en 2008 avec un dossier intitulé Le Cadre européen : où en sommes-nous ? (n° 2-2008), et en 2012 avec un dossier intitulé Évaluer avec le CECRL (n° 1-2012). Pierre Frath avait coordonné ces deux numéros, avec la collaboration de Michèle Valentin pour le second. Le dossier de 2008 proposait à nos collègues quelques premiers retours de terrain après l’adossement des programmes scolaires de langues au Cadre européen en 2005 dans une loi d’orientation. En 2012, compte tenu de l’importance du débat sur l’évaluation (fondée, dans le Cadre et le Portfolio, sur les descripteurs de compétence langagière et sur l’échelle de niveaux), l’APLV avait voulu traiter dans sa revue ce sujet d’importance majeure. Dans la continuité de notre tradition éditoriale, ces deux dossiers des Langues Modernes réunirent des contributions de l’ordre de l’expérimental et de celui du spéculatif. Il y avait tout lieu de croiser le plus possible les points de vue, car on pouvait craindre que ne prévale dans les classes une approche trop prescriptive, voire techniciste des propositions du Cadre. Une nouvelle configuration didactique, la perspective actionnelle, était esquissée par les rédacteurs du CECRL, ce qui a priori était censé ouvrir tout grand les espaces de mise en œuvre pédagogique sur le terrain. Mais on pouvait s’inquiéter alors que nos collègues ne viennent à manquer de marge de manœuvre pédagogique sur le terrain. Ces deux dossiers, toujours d’actualité, restent des références à consulter.

Nous avons aussi contribué à la réflexion sur certains concepts issus du Cadre, tels que le plurilinguisme. Le numéro 1-2006 des Langues Modernes, coordonné par Xavier North, est consacré à ce concept.

Une dernière mention, et non des moindres. Dans un dossier consacré à l’interculturel (le n° 3-2002), nos abonnés et lecteurs curieux peuvent consulter un article de référence consacré à la perspective actionnelle, alors à peine ébauchée, suite à la mention à la page 15 du Cadre. Christian Puren, président d’honneur de l’APLV et ancien rédacteur en chef des Langues Modernes de 1992 à 1994, y modélise les bases de sa conception de l’actionnel, en référence à son modèle d’épistémologie disciplinaire. Il y montre sa conviction que la perspective actionnelle est bel et bien une nouvelle configuration didactique.

Émilie Perrichon et moi sommes tous deux d’anciens thésards de Christian Puren en Sciences du langage. Nos deux thèses portent sur la perspective actionnelle, dans les deux disciplines de qualification de Christian par le CNU : dans le contexte du FLE pour ce qui concerne Émilie, et, pour moi, dans celui de l’espagnol enseigné en France.

La perspective actionnelle, nous en sommes convaincus Émilie et moi, est et sera ce que les enseignants en font et feront, puisque son principe fondateur est de l’ordre de l’éthique : elle vise à construire les compétences d’un acteur social. Elle s’inscrit dans tout l’héritage des différentes théories de l’action. Formés au modèle d’épistémologie disciplinaire de Christian Puren, nous sommes sûrs de la très grande plasticité de cette configuration et de la très grande diversité d’approches qu’elle rend possibles. Nous espérons que la consultation de ces pages saura en convaincre les différents acteurs de notre domaine.
Je vous souhaite une excellente lecture.