Commentaires sur les attendus dans le supérieur

lundi 22 janvier 2018

Les « attendus » pour l’inscription en Licence : quelques commentaires sur les Langues Vivantes Etrangères et Régionales.

La publication récente, le 12 décembre 2017, des « attendus » pour être admis en première année de Licence a suscité pas mal de remous, voire de fortes inquiétudes [1]. Pour ce qui est des Langues Vivantes Etrangères et Régionales, l’importance de leur apprentissage à l’Université continue d’être affirmée, comme cela avait été le cas à plusieurs reprises sous les ministères antérieurs, et nul n’est censé être titulaire d’un diplôme universitaire s’il ne peut faire état d’un certain niveau en langues [2]. Cela est tout à fait logique, dans la mesure où, entre autres, les programmes Erasmus et autres échanges internationaux font partie de l’offre pédagogique de nombreuses les filières, et on ne peut nier que la réussite de ceux-ci est fortement liée à la maîtrise de la langue du pays d’accueil.
Dans presque toutes les filières, le document affirme l’importance des langues, et on ne peut que s’en réjouir. Dans les filières relevant du grand domaine des « Lettres, Langues, Sciences Humaines », l’attendu suivant est presque systématiquement formulé :
Disposer d’un bon niveau dans au moins une langue étrangère (niveau B) Cette mention comporte obligatoirement des enseignements de langues vivantes ; la maîtrise d’au moins une langue au niveau baccalauréat est donc indispensable.
Dans bon nombre de filières scientifiques et/ou médicales, cette exigence existe aussi, sous une forme quelque peu différente :
Disposer de compétences en communication Cette mention nécessite en effet une capacité à communiquer à l’écrit et à l’oral de manière rigoureuse et adaptée, une aptitude à se documenter dans au moins une langue étrangère, prioritairement anglaise et une capacité à l’écrire et à la parler à un niveau B.
Il est intéressant de constater, dans ce dernier cas, qu’un effort de réflexion a été fait, pour tenir compte du fait que tous les étudiants n’ont pas les mêmes besoins en matière de langue vivante, et que, si on ne peut nier l’importance de l’anglais, il n’est pas non plus La langue vivante par excellence, unique et incontournable.
Des exceptions existent cependant, dont on ne voit pas la raison. Par exemple, pour la filière STAPS, aucun « attendu » n’est mentionné en langue vivante. La dimension internationale n’aurait-elle aucun intérêt pour ces étudiants ? Seraient-ils exclus des programmes type Erasmus ? Ils rejoignent en cela leurs collègues de Sciences politiques, auxquels on demande simplement « un intérêt pour les questions transnationales ainsi que pour la diversité des systèmes politiques et sociaux », puisque : « Les enseignements dispensés incluent une importante dimension européenne et internationale. » Visiblement, il suffit de parler français pour traiter en profondeur de ces doctes problèmes !
Les étudiants en économie, gestion et psychologie font preuve d’un peu plus d’ouverture, tout étant relatif : en effet le français et l’anglais sont largement suffisants pour leurs études et les autres langues n’ont pas de place dans leur univers. Heureusement que les juristes sont un peu plus ouverts à la diversité du monde :
Etre ouvert au monde et disposer de connaissances linguistiques. Cet attendu marque l’importance, pour la filière juridique, que l’étudiant ait un niveau suffisant de compétences dans au moins une langue vivante étrangère, notamment l’anglais. La formation en Licence de droit s’inscrit en effet nécessairement dans un contexte juridique européen et global qui implique, au cours du cursus, d’étudier d’autres systèmes juridiques que le système national, qui sont le plus souvent en langue étrangère
Ensuite, et comme on peut s’y attendre, les formulations spécifiques concernant les filières de lettres et langues sont plus précises :
Disposer d’un très bon niveau dans au moins une langue étrangère (niveau B) Cette mention, qui comporte obligatoirement des enseignements de langues vivantes, impose une très bonne maîtrise au niveau baccalauréat de la langue choisie.
Avoir un goût prononcé pour la lecture en français et en langue étrangère Cette formation impose en effet une appétence pour la lecture de textes littéraires en français et dans la langue choisie.
On appréciera plus particulièrement cette insistance sur la lecture, une pratique dont on a l’impression qu’elle est en voie de disparition chez les élèves et étudiants. Par contre, les « attendus » indiqués pour la filière LEA (Langues Etrangères Appliquées), sont pour le moins surprenants :
Disposer d’un très bon niveau dans au moins une langue étrangère (niveau B) Cette mention comporte en effet obligatoirement des enseignements dans deux langues étrangères ; la maîtrise d’au moins une langue au niveau baccalauréat est donc indispensable.
En effet, la particularité de cette filière, depuis les temps maintenant lointains de sa création, dans les années 70 du siècle passé, est d’exiger de ses étudiants un bon niveau dans deux langues vivantes [3]. Elle se distingue des autres filières de langue par le fait que les langues sont « appliquées » à des domaines de spécialité, principalement le commerce International, et leur trilinguisme a toujours été l’atout de étudiants LEA sur le marché de l’emploi en entreprise. Les finalités de la filière auraient-elles brutalement changé ? Cela ne semble pourtant pas être le cas si on lit la totalité des « attendus » qui la concernent.
En conclusion, si la formulation d’ »attendus » n’est pas en soi une mauvaise chose, dans la mesure où elle peut aider l’étudiant à mieux formuler ses choix et, surtout, à se donner dès l’entrée au lycée les moyens de ses aspirations, on peut néanmoins faire quelques réserves sur le contenu des formulations telles qu’elles existent dans le document ministériel. La logique des « attendus » en langues n’apparaît pas toujours clairement par rapport aux objectifs de la filière, et elle ne semble pas avoir fait dans tous les cas l’objet d’une réflexion approfondie. On ne peut que le déplorer, car une orientation post-bac adéquate aux désirs et capacités de l’étudiant est un élément central pour le bon fonctionnent de notre système éducatif.


Attendus Licences Ministère de l’Enseignement Supérieur

[1Cf. l’article de François Jarraud dans le café pédagogique du 13 décembre 2017 : (http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2017/12/13122017Article636487481023373470.aspx)
ainsi que le n° 660, de décembre 2017, du mensuel du Snesup

[2Du moins sur le papier, car il y aurait beaucoup à dire sur les moyens donnés à l’enseignement des langues à l’Université, mais c’est un autre sujet.

[3Pour plus de renseignements, consulter le site de l’Association Nationale des LEA : anlea.org