Compte rendu de l’entrevue de l’APLV avec la présidente de la mission sur les langues vivantes

vendredi 8 juin 2018

Une délégation de l’APLV a été reçue le mardi 5 juin par Madame Chantal Manes, Inspectrice Générale d’anglais et co-présidente de la mission chargée de proposer au Ministre de l’Éducation Nationale un plan pour améliorer les performances des élèves dans le domaine des langues vivantes. Cette délégation était composée de Françoise Du, présidente de l’association, Jean-Luc Breton, Jean-Marc Delagneau et Norah Leroy.

Les objectifs de l’APLV lors de cette entrevue concordaient avec ceux que le ministère affiche et que Madame Manes a rappelés en préambule : rendre l’enseignement plus efficace pour les élèves. Nous avons donc pu faire état de tout ce qui, aujourd’hui et dans la réforme annoncée par le ministère, nous paraît faire obstacle à la réussite des élèves en langues vivantes.

L’enseignement élémentaire :
Les deux axes de nos interventions ont été le niveau des étudiants se destinant au professorat des écoles et l’absence d’épreuve de langue au concours de recrutement de ces professeurs, absence qui induit, de la part d’étudiants soumis à une charge de travail très lourde et complexe, une baisse de l’investissement, qui, évidemment, a ensuite un impact sur leur niveau et leur motivation à enseigner une langue à leurs élèves.
L’APLV a rappelé sa revendication d’une épreuve de langue et de didactique des langues au CRPE.
Par ailleurs, l’horaire dévolu par la plupart des ÉSPÉ à l’enseignement des langues et à leur didactique est très insuffisant. La faiblesse des horaires rend tout progrès impossible et la mobilité est quasi inexistante à ce niveau.
L’autonomie des ÉSPÉ est aussi un problème. Une harmonisation entre les différentes écoles de formation serait souhaitable.
Le dernier point que nous avons soulevé est celui de la pression subie par les enseignants des ÉSPÉ pour valider les niveaux des étudiants et faire réussir tout le monde. Cette pression amène les équipes enseignantes à admettre des candidats qui ne sont absolument pas au niveau pour enseigner une langue vivante à des enfants, notamment dans le domaine de la phonologie.
Notre interlocutrice a posé de nombreuses questions sur ces points et a semblé considérer que nos demandes étaient logiques et pertinentes.

Le collège :
L’APLV a déploré l’absence des langues vivantes aux épreuves du diplôme national du brevet. Comme dans le cas des étudiants d’ESPE, cette absence est un facteur de désinvestissement pour les élèves de 3e. Madame Manes a convenu de cette réalité, mais doute que le Ministère souhaite revenir sur le collège dans un proche avenir.
Nous avons également signalé que, comme nous l’avions prédit lors de la mise en place de la réforme du collège, les langues sont tout à fait marginalisées et instrumentalisées dans les EPI. Cependant, les EPI ayant quasiment disparu des cursus de collège, ce point n’est plus central.

Le lycée :
La rencontre avec la mission co-présidée par Madame Manes étant pour l’APLV un jalon dans une longue suite d’entrevues et d’interventions sur la réforme du lycée et du baccalauréat, nous avons repris nos principaux sujets de préoccupation : maintien des évaluations terminales dans toutes les activités langagières et évaluation de l’oral par des professeurs ; certifications venant en sus des épreuves du baccalauréat ; effectifs et horaires.
Notre interlocutrice nous a rassurés sur les deux premiers points mais a indiqué que le ministère n’accepterait pas une augmentation de l’horaire hebdomadaire de langue.
Elle ne semble pas très favorable non plus à certains aménagements que l’APLV réclame depuis des mois, comme l’ouverture d’autres spécialités incluant les langues, qui nous paraît nécessaire vu les enjeux européens ou internationaux de nombreux métiers des secteurs administratifs, scientifiques, techniques, tertiaires et économiques. Nous avons également demandé que les langues puissent apparaître dans la liste des enseignements facultatifs, puisque d’autres disciplines (comme les mathématiques, les arts ou l’EPS) y figurent tout en étant aussi présentes dans le socle commun ou les spécialités, mais Madame Manes nous a répondu que son souci était d’améliorer le niveau de tous dans le tronc commun plutôt que celui de certains en multipliant les enseignements complémentaires.
En refusant d’augmenter l’horaire de langues vivantes, ou du moins d’en demander avec insistance l’augmentation si elle ne relève pas de leurs compétences, nos différents interlocuteurs au ministère développent des discours utopiques, voire magiques, qui vont à l’encontre des objectifs affichés et souhaités, c’est-à-dire l’amélioration du niveau de compétence des élèves et celle des capacités du pays à conquérir des marchés à l’exportation. Plutôt que d’offrir des horaires suffisants et des effectifs allégés pour une vraie pratique orale, on encouragera, sans préciser comment, l’utilisation des langues en DNL, dans l’établissement, à la maison, ainsi que la mobilité des élèves, alors même que le cadre administratif et légal devient chaque année plus complexe. Il y a visiblement au sein du ministère une barrière dogmatique contre la prise de décisions budgétaires impérativement nécessaires pour l’amélioration des conditions de travail des professeurs et des élèves, ce qui nuit in fine à l’efficacité de l’enseignement de notre discipline.

L’enseignement supérieur :
Bien que ce domaine soit en dehors des compétences de la mission co-présidée par Madame Manes, l’APLV a souhaité évoquer ce niveau d’enseignement aussi, parce qu’il est en cohérence avec les autres domaines.
Comme les ÉSPÉ, les autres composantes de l’enseignement supérieur sont soumises aux ruptures entre niveau attesté en fin de terminale et niveau réel à la licence ou au master et à la disparité entre universités, tant au niveau du volume horaire, du nombre de langues proposées, du choix des langues, du fait même de proposer des cours sur la base du volontariat ou de manière obligatoire, intégrés ou non aux maquettes des cursus.
Les moyens mis en place pour les universités et l’autonomie des établissements jouent contre une politique des langues efficace. Des exemples locaux montrent que, lorsque les universités se donnent des moyens pour développer l’enseignement des langues aux non-spécialistes, les résultats sont à l’appui.

Notre entretien avec Madame Manes a été marqué par la confiance et la cordialité, sans langue de bois, mais il n’a pas permis de rassurer l’APLV sur la politique des langues du gouvernement de manière globale. Les motifs d’inquiétude pour la profession restent nombreux.