Numéro 2/2006 - Enseigner le mal

mardi 4 juillet 2006

Ci-dessous ne se trouvent que les résumés des articles.
Tous les articles de ce numéro, qu’ils aient été publiés à l’origine dans la revue papier ou sur le site, sont publiés dans l’espace abonnés du site et donc accessibles à tous ceux ayant un abonnement en cours aux Langues Modernes.


coordonné par Pierre FRATH

- Éditorial par Astrid GUILLAUME
- Clin d’oeil, par Benoît CLIQUET : Enseigner le mal
- Introduction, par Pierre FRATH

L’angliciste et le mal : la leçon d’Herman Melville et de William Styron,

par Daniel THOMIERES, Professeur à l’Université de Reims Champagne-Ardenne

Dans les pages qui suivent, un angliciste réfléchit sur un métier qu’il aime et qu’il exerce depuis de longues années. Comme nombre de mes collègues, j’ai ressenti au début une vocation. L’anglais et moi, cela a été une histoire d’amour qui s’est étendue aussi aux communautés qui parlent cette langue : l’Angleterre, puis les États-Unis. Et l’enseignement a été un moyen de faire partager cet amour en célébrant toutes ces petites et ces grandes choses que j’avais pu découvrir avec émerveillement : Charlie Chaplin, Mr. Bean, la musique cajun, Purcell, le nonsense, le fish and chips, etc. Rapidement pourtant, derrière tous ces points de civilisation, n’ont cessé de profiler des réalités plus sombres. C’est comme si la médaille avait un revers et que l’on ne pouvait échapper à la souffrance, au sang, à l’horreur, au nettoyage ethnique, au génocide. Je veux dire par là que la tâche du professeur est non seulement de décrire les pays étrangers, leurs diverses communautés, leurs cultures, leurs mentalités, mais elle est aussi de juger. Il y a des choses qui sont inacceptables.

Enseigner le mal : pourquoi et comment ?

par Pierre FRATH, Professeur à l’Université de Reims Champagne-Ardennes

Le mal n’est pas pris au sérieux dans nos sociétés modernes, superorganisées et hyperstructurées. Le mal, cela n’existe pas. Certes, il y a des va-t’en guerre imbéciles, des terroristes sanguinaires, des assassins sans scrupules, des dictatures féroces, des capitalistes sauvages, des électeurs d’extrême-droite, des intégristes religieux, mais tout cela, ce n’est pas le mal, ce sont des anomalies, des dysfonctionnements qui surviennent dans un monde normalement harmonieux et juste, et qui s’expliquent. D’ailleurs, toute catastrophe, tout crime, toute émeute, toute décision judiciaire injuste trouvent leur lot de spécialistes prêts à disserter sur le pourquoi du comment. Inutile donc de faire intervenir une entité métaphysique qui sent à plein nez son petit catéchisme rabâché et sa théologie sommaire peuplée de démons à exorciser. Dès lors, pourquoi enseigner le mal ? Il suffit d’améliorer les compétences techniques de la population et des autorités de manière à ce qu’elles soient en mesure de faire face à toute éventualité avec efficacité.
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L’incarnation de la barbarie,

par Frédéric GOBERT, enseignant au Collège Bernard de Ventadour, Privas − collège Mercoyrol, Cruas

Comment dire aux élèves la barbarie, l’horreur des camps de mise à mort, la traite, le terrorisme ?... Pour tenter de répondre à cette question, d’autres doivent d’abord être posées. Et en tout premier lieu, celles-ci : l’enseignant peut-il, doit-il être moralisateur ?

Le mal, les mots,

par Pascal LENOIR, enseignant au Lycée Henri Bergson, Angers et à l’IUFM des Pays de la Loire

L’histoire des pays dont on étudie les langues en milieu scolaire n’est malheureusement pas exempte de tragédies et autres drames humains qui méritent d’être examinés en classe. Mais comment « enseigner » ces sujets ? Les « travailler » ? Selon quels protocoles ?

Lire, voir le mal à l’oeuvre,

par Joaquín MANZI, Joaquín Manzi - Université de Paris-Nord

Ce numéro des Langues Modernes est l’occasion de mettre en mots des questions sourdes et, sans jeu de mots, fourbes, qui résonnent en moi alors que prend fin un cours de littérature hispanique contemporaine. Est-il possible de susciter en autrui l’expérience subjective, intime et concrète que le mal est en chacun de nous, ou mieux chez nous, au même titre que le bien ? Comment y parvenir en exerçant notre rôle d’enseignant d’une littérature et d’une langue étrangères auprès de jeunes adultes ?

Taire le mal ou l’enseigner comme un bien ?,

par Maurice SACHOT, Université Marc Bloch, Strasbourg

Enseigner le mal. Au premier abord, un tel énoncé semble tenir de la provocation et du racolage facile. Si, en effet, le mal relève de l’agir et non de l’être, enseigner le mal signifie enseigner à faire le mal. Ce qui est proprement choquant et inadmissible. Pourtant, à y regarder d’un peu plus près, il apparaît très vite qu’une telle question est fort opportune : elle nous invite à nous interroger sur une dimension fondamentale de notre éducation scolaire : sa qualification morale. Il se pourrait bien, en effet, que la logique d’ensemble qui, désormais, préside à l’évolution de l’éducation en général, et de l’École en particulier, conduise à faire enseigner le mal, mais d’une manière plus subtile et plus perverse : en le niant ou même en le faisant passer pour un bien.
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Prévenir le racisme et la xénophobie : propositions de linguistes,

par Mathieu Valette (Cnrs, Nancy et Inalco, Paris), François Rastier (Cnrs, Paris)

Du printemps 2002 au printemps 2004, le nombre des sites racistes est passé de 4.000 à 10.000. Si l’aspect politique n’est pas négligeable, cette expansion ne concerne évidemment pas que les extrémistes : on estime qu’environ le quart des collégiens a visité en toute bonne foi au moins un site raciste ou négationniste. De fait, il suffit de taper holocauste sur un moteur de recherche pour lire des textes de négationnistes comme Garaudy ou Faurisson. Ces faits ne sont pas véritablement connus des enseignants ni des parents.

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Est-ce le mal qui nous fait du bien ?,

par Benoît GOETZ, Université Paul Verlaine, Metz
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À vouloir bien faire, on le sait bien, on ne fait pas toujours bien. Mais le plus difficile à supporter, c’est que le bien fait, bel et bien fait, n’aille jamais non plus sans dommage. Faire le bien ne fait pas que du bien (et cela, on le sait moins bien). Les « professionnels de l’impossible », éducateurs et thérapeutes, sont les premiers à en faire l’épreuve. Les bénéficiaires de leurs pratiques ne seront jamais reconnaissants au point de leur épargner toute doléance. Le bien fait mal, le bien est douloureux. Le remède a un fond d’amertume. C’est pourquoi Lucrèce a voulu chanter en vers la philosophie salvatrice mais sévère de l’atomisme épicurien. D’autre part (et c’est un autre cas de figure), du bien mal fait ne peuvent résulter que des catastrophes. Les dommages « collatéraux » des armées du Bien sont colossaux. Et à un échelon plus secret, il faut n’avoir pas froid aux yeux pour apercevoir « la liaison intime de la férocité et de l’amour », comme l’écrit l’auteur des Fleurs du Mal.

Apprendre à enseigner le mal à travers la fiction,

par Maribel Peñalver VICEA, Universidad de Alicante
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L’outrance de conflits et d’atrocités vécus dans le monde actuel manifeste une société qui souffre souvent la privation d’une parole désinvolte et libre. En revanche, ce silence qui s’empare de nous et nous empêche de dire le mal (soit physique ou psychique) est rompu magistralement par certains écrivains. Alors que nous sentons le besoin de pousser les hauts cris, l’écrivain les matérialise en discours, sans contraintes et avec jouissance. Dès notre enfance, on nous a toujours appris le mal par opposition au bien. Le mal, on peut l’apprendre en l’éprouvant sans le vouloir, mais on peut l’apprendre également en le faisant à quelqu’un. Pourtant, on n’aime pas se faire de mal à soi-même. Comment donc enseigner le mal (le concept du mal) en éprouvant du bonheur ? C’est en enseignant qu’on apprend mieux. Et on n’enseigne mieux le mal qu’en le déguisant. Ceci dit, nous tenterons de montrer, d’un point de vue linguistique -par le biais de certains procédés discursifs et lexicaux- la façon dont l’écrivain cristallise le mal dans la fiction. En nous servant ainsi d’exemples tirés de deux textes appartenant à un auteur francophone, nous montrerons la validité de l’application de certains outils de la linguistique au discours littéraire.

Hors-thème

Le bilinguisme alsacien au service des enfants et des familles

par Anémone Geiger-Jaillet, Professeur des Universités à l’IUFM d’Alsace et Daniel Morgen, IA - IPR honoraire et Vice-président de l’association Lehrer

Toutes les langues régionales de France ont connu depuis une dizaine d’années le développement d’un dispositif d’enseignement bilingue qui s’insère souvent dans un projet global de plurilinguisme. Celui de l’Alsace, initié en 1991, s’est fait cependant selon l’une des progressions les plus rapides : en 2005/06, il scolarise près de 15000 élèves, de l’école maternelle au lycée. Il doit cette bonne santé au soutien des collectivités territoriales, qui l’ont inscrit dans leurs projets, et aux nombreux relais associatifs. Ses six principes directeurs lui assurent une cohérence, perfectible certes mais réelle, grâce à la continuité de l’offre d’enseignement assurée tout au long de la scolarité. Fondé sur la langue régionale en Alsace - les variétés dialectales alémaniques et franciques et leur langue de référence, l’allemand standard -, l’enseignement bilingue alsacien jouit d’un net avantage et d’une ouverture sur une langue internationale. Comme pour d’autres langues régionales, il ouvre l’accès au plurilinguisme par l’accès facile à une deuxième langue, ici l’allemand, ailleurs l’italien ou l’espagnol, et bien entendu à une troisième, l’anglais.

Matière à discussion
Étudier des films en classe de langue : pédagogie et droits d’auteurs , par Laure PESKINE et Babette ARBACETTE à la rubrique Matière à discussion

100 ans de publication
100 ans de publication : Être Rédactrice en chef des Langues Modernes il y a vingt-cinq ans, par Bernadette Grandcolas, Rédactrice en chef des Langues Modernes de 1979 à 1984.

C’était il y a...
Sermons allemands, c’était il y a 90 ans dans Les Langues Modernes..., par Francis WALLET

Comptes-rendus de lecture
Tout sur l’école, de A. Bentolila par Albert HAMM, Université de Strasbourg.
Linguiste, spécialiste de l’illettrisme, auteur de nombreux ouvrages, A. Bentolila nous livre son analyse de notre système scolaire, au moment où, une fois de plus, le débat sur l’école attise les passions et fige les positions. Son ouvrage est découpé en quatre parties consacrées respectivement aux enjeux, aux ennemis de l’école, aux trompe-l’oeil et faux-semblants et à la description de cinq chantiers pour une école en résistance. D’une écriture à la fois très dense et très lisible, les différents moments de sa démonstration sont structurés en un nombre variable de chapitres (de 3 à 6) d’une quinzaine de pages en moyenne, aux titres évocateurs (la tribalisation de l’échec, le grand guignol de la formation des maîtres, le maquillage culturel, etc.), qu’illustrent de nombreux exemples et témoignages, particulièrement efficaces.
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Writing the Sounds of English de David Banks, par Michael O’NEIL

Voici un petit ouvrage (162 pages) publié en France mais rédigé en anglais, dont le but, somme toute relativement modeste, est de fournir aux étudiants débutants une introduction à la phonétique anglaise et une initation et un entraînement à la transcription de l’anglais. Disons tout de suite que les objectifs annoncés sont en grande partie atteints.
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La Théorie Interprétative de la Traduction (3 Vol.), Fortunato ISRAEL et Marianne LEDERER (eds) article 159 par Michel BALLARD

La théorie interprétative de la traduction (désormais TIT) a été mise en place par Danica Seleskovitch il y a une quarantaine d’année et la présente publication témoignerait, s’il était nécessaire, de la vitalité d’une réflexion qui n’a cessé d’évoluer, de s’affiner plutôt (parfois même de s’assouplir), dans la mesure où, malgré d’indéniables aménagements, elle n’a jamais renié ses principes fondamentaux.
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