Compte rendu de l’entrevue de l’APLV au ministère sur les programmes de langue

mercredi 5 février 2025

Dans le cadre de la consultation sur les programmes de langues vivantes en cours (Consultation nationale sur les programmes de langues étrangères et régionales au collège et au lycée - Association des Professeurs de Langues Vivantes), la DGESCO a invité l’APLV à faire part à l’Inspection Générale de langues de ses commentaires sur le projet. L’entrevue a eu lieu le jeudi 30 janvier dans les locaux de la DGESCO au ministère de l’Éducation Nationale, en présence de François Vandenbrouck, sous-directeur de l’innovation, de la formation et des ressources, et de quatre de ses collaborateurs.

Les deux inspectrices générales présentes, Isabelle Leguy et Fabienne Paulin-Moulard, ont expliqué en préambule les raisons de la saisine ministérielle en vue d’une refonte des programmes de langues. Le ministère fait un certain nombre de constats. Madame Paulin-Moulard cite les trois principaux, qui expliquent à ses yeux l’architecture des programmes en consultation : les professeurs de langues ont du mal à définir des objectifs et des repères annuels ; les programmes actuels créent un sentiment de « piétinement », de répétition, chez les enseignants et une « lassitude » chez les élèves ; la culture générale des élèves est jugée insuffisante. Madame Leguy, pour sa part, rappelle le souci de l’institution de renforcer et de développer l’autonomie des professeurs comme des élèves. Tout en posant un cadre (le CECRL, des repères linguistiques et culturels), il s’agit pour l’Inspection Générale de donner plus d’autonomie langagière et méthodologique aux collégiens et lycéens tout en aidant les professeurs à concevoir des projets ambitieux et des parcours exigeants et étayés dans lesquels leur liberté d’enseignement est préservée et renforcée. C’est dans ce but que l’Inspection Générale a fait le choix de ne poser que deux contraintes pour la réalisation des séquences d’enseignement : il faudra traiter pendant l’année tous les axes du programme (cinq en 6e et six de la 5e à la terminale) et, parmi toutes les séquences proposées aux élèves pendant l’année, trois au moins devront correspondre à des objets d’étude choisis parmi ceux du programme. Les autres séquences seront laissées à l’entière initiative des professeurs. Les suggestions qui suivent chacun des énoncés d’objets d’étude sont des exemples, qui « ne doivent pas être modélisants ».

L’APLV fait part de sa satisfaction devant cette clarification sur des points litigieux, qui ont provoqué de fortes réactions de rejet de la part des professeurs, associations et syndicats. Les inspectrices générales conviennent qu’il faudra que ces éléments soient plus clairement expliqués dans les programmes définitifs.

Michèle Valentin, présidente de l’APLV, présente l’analyse de l’association, telle qu’elle a déjà été explicitée dans les deux documents mis en ligne sur le site (Réponses aux questions ouvertes de la consultation ministérielle sur les programmes de langues vivantes étrangères, janvier 2025 - Association des Professeurs de Langues Vivantes et [Association des Professeurs de Langues Vivantes] L’analyse de l’APLV sur les projets de programmes du collège et du lycée dans 8 langues étrangères). La présidente rappelle les points qui paraissent positifs dans le projet en consultation, comme le maintien du principe des entrées culturelles, l’affirmation renouvelée des liens langue-culture, la volonté de développer l’esprit critique du citoyen éclairé, la volonté de mettre à jour les savoirs des professeurs. Elle fait part aussi des points d’inquiétude ou d’incompréhension qui demeurent, comme la difficulté pour les enseignants de concilier une approche actionnelle s’appuyant sur l’interaction entre les élèves et des programmes très détaillés, notamment dans le domaine de la phonologie, qui pourraient donner l’illusion que l’apprentissage se fait de manière linéaire. Un autre point litigieux est le niveau de complexité excessif de certains objets d’étude et la répétitivité d’une langue à l’autre ou bien, au lycée, une certaine redondance entre les programmes de tronc commun et ceux de spécialité.

Michèle Valentin explique ensuite que le changement des programmes nécessite que les professeurs s’approprient les nouveautés et donc qu’une formation solide, en lien avec les préoccupations des collègues, soit organisée selon les données spécifiques de leur contexte d’enseignement. A chaque fois que cela sera possible, cette formation devra être en lien avec la recherche en didactique, pour un accompagnement qui ne soit pas uniquement ponctuel mais bien dans la durée.

Pour terminer, l’APLV pointe un certain nombre de zones de flou : la différentiation pédagogique, le lien entre tronc commun et enseignements de spécialités au lycée, la prise en compte du plurilinguisme et des apprentissages informels. Se pose aussi la question de l’évolution des évaluations et des examens, entre certifications, référentiels de compétence et les épreuves actuelles du baccalauréat.

Marie-Claire Lemarchand-Chauvin, secrétaire générale de l’APLV, rappelle l’importance pour les élèves de la prise en compte de leurs répertoires plurilingues et regrette que les projets de programme n’encouragent pas plus clairement les enseignants à s’appuyer sur les répertoires et compétences des apprenants dans les langues de la maison et/ou celles apprises en contexte scolaire. Elle signale aussi que, si l’APLV apprécie que les compétences psychosociales et émotionnelles soient mentionnées dans le préambule commun des projets de programme, elle regrette qu’il n’y ait ensuite pas vraiment de développements sur ces questions dans le corps des programmes par langues.

Dans la discussion qui s’engage ensuite, les inspectrices générales conviennent de la nécessité d’étoffer le préambule commun de façon à faire apparaître plus nettement que les programmes s’inscrivent dans une approche actionnelle (terme qui « mérite d’être redéfini »), que les objectifs pour chaque année ne doivent pas être considérés comme des fins en soi, mais que l’enseignement doit être spiralaire (terme qui a disparu du préambule commun, mais qui devrait figurer dans la version définitive), avec une complexification au fil des apprentissages. Elles justifient la disparition du terme de « tâche finale » par l’incompréhension que ce terme suscite chez certains collègues, pour qui la tâche finale devient le but ultime, alors que c’est le cheminement, c’est-à-dire la construction de compétences en vue de la tâche finale, qui devrait être leur préoccupation majeure. Le mot de « projet », qu’on retrouve dans les programmes, a pour but de signifier que l’institution veut aider les enseignants à lutter contre « les effets contreproductifs de l’absence de construction des compétences ».

Les inspectrices générales ont souhaité rassurer les représentants de l’APLV en indiquant que des dispositifs de formation nationaux, notamment numériques, et dans les académies, « au plus près du terrain », seront mis en place pour accompagner les professeurs.

L’APLV a pu également rappeler à ses interlocutrices quelques-uns des principes qu’elle défend, notamment la demande de réorientation des enseignements de spécialité vers des spécialités bi-langues, avec des programmes qui ne s’appuient pas exclusivement sur la littérature et les beaux-arts mais soient plus en rapport avec les préoccupations des élèves et le monde contemporain, c’est-à-dire pour l’anglais une fusion des deux spécialités LLCE et AMC.