Éditorial des « Langues Modernes » n° 4/2015, par Pascal Lenoir, rédacteur en chef

jeudi 17 décembre 2015

Les langues orientales enseignées en France ont longtemps connu une situation quelque peu paradoxale : elles étaient l’objet d’une saine curiosité de la part de celles et ceux qui désiraient se rapprocher de langues et d’univers culturels fort éloignés à tous égards de nos codes occidentaux de représentation du monde, et alors qu’elles ouvraient à des territoires et à des communautés humaines de très grandes dimensions, leur diffusion en France, dans tous les cycles d’enseignement, restait somme toute assez confidentielle. Dans certains secteurs d’activité, cependant, on prenait conscience que ces langues allaient jouer un rôle de plus en plus crucial. Cette situation de relatif isolement est manifestement derrière nous, à en juger par le dossier qu’ont rassemblé les trois coordinatrices Monica Masperi, Mariarosaria Gianninoto et Lynne Franjié, que je tiens à remercier pour leur grande implication. Elles montrent très clairement que le public concerné par l’étude de ces langues s’est élargi dans la dernière période, et qu’en particulier il ne s’agit plus seulement de spécialistes ou d’esprits curieux, mais aussi de publics non spécialistes qui abordent ces langues et ces cultures dans une optique de formation plus en rapport avec des enjeux professionnels. Et dès lors que les publics se diversifient, que les besoins socio-économiques et que les motivations évoluent, c’est l’approche didactique qui doit être reconsidérée.

C’est donc un contexte d’enseignement des langues – Langues O’ en mutation qui vous est présenté dans ce dossier. Je tiens d’ailleurs à souligner deux points. En premier lieu, pour présenter ce panorama de l’enseignement des langues – Langues O’ dans le supérieur, ses enjeux épistémologiques et didactiques, les coordinatrices ont choisi de ne pas rester entre spécialistes, et ont voulu confier ce dossier à la réflexion d’un lectorat plus large, et pour ce faire elles ont choisi Les Langues Modernes : je me félicite de ce choix qu’elles ont fait, en liaison avec ma précédesseure Marie-Pascale Hamez. Et je veux également remercier les auteurs, qui ont écrit leurs textes en pensant à ce lectorat, tout en posant avec acuité les questions vives qui se posent dans l’enseignement de la langue dont ils sont spécialistes. En second lieu, je préciserai que si ce dossier concerne l’enseignement supérieur, bien souvent les articles concernent l’enseignement des langues – Langues O’ en contexte de LANSAD : les questions posées dans ce contexte pourront sans doute être transposées à l’enseignement secondaire, qui est lui aussi concerné par le développement de cet enseignement.

Sur le site APLV-LanguesModernes, nous publions en hors-thème, et en libre accès, l’article de Payam Salom, qui présente un état des lieux de l’enseignement du turc dans l’enseignement secondaire. Je la remercie de cette contribution. À sa lecture, on mesure tout le chemin qui reste à parcourir pour que cet enseignement puisse se pérenniser et se développer. Jean-Luc Breton nous livre de son côté un compte-rendu de lecture de l’ouvrage publié sous la direction de Marion Tellier et Lucile Cadet, Le corps et la voix de l’enseignant : théorie et pratique.

Nos abonnés retrouveront par ailleurs les rubriques habituelles relatives à la vie de l’association, sans oublier la touche d’humour de Benoît Cliquet.

Puisse ce numéro, qui parviendra chez nos abonnés à la période des fêtes de fin d’année, leur procurer un temps de détente tout en leur donnant matière à réflexion. En ces temps dramatiquement troublés, les langues, vecteurs de communication, de rencontres en temps réel ou différé, ont plus que jamais vocation à être porteuses de cohésion sociale.

Je vous souhaite une excellente lecture.