A propos de la dernière livraison des Cahiers pédagogiques, par Jean-Luc Breton

jeudi 12 janvier 2017
 BRETON Jean-Luc

La dernière livraison des Cahiers Pédagogiques (janvier 2017) contient un dossier, « Enseigner les langues aujourd’hui », qui propose un état des lieux de cet enseignement. Le dossier, coordonné par Soizic Guérin-Gauet et Hélène Eveleigh, développe trois axes, qui intéresseront les enseignants de langue autant que le grand public, « Parler pour entrer en contact avec le monde », « Des pratiques pour des langues vraiment vivantes » et « Questions brûlantes ».

On trouve notamment un état des lieux sur l’enseignement de deux langues de grande diffusion peu représentées dans le système éducatif, le turc (par Ergün Simsek) et l’arabe (par Rachida Dumas), une dizaine de contributions dans lesquelles des professeurs de langue font part de leurs méthodes ou de leurs projets, dans différents domaines, comme la compréhension de l’oral, l’usage des TICE, la réécriture de textes de théâtre, l’exploitation de supports venus des arts visuels, les pratiques d’auto- et d’hétéro-évaluation, etc. et enfin des analyses socio-didactiques sur des questions parfois polémiques, comme la réforme du collège (par Delphine Leconte et Solen Sautejeau), la place des langues régionales dans le paysage éducatif (par Philippe Blanchet et par Elodie Lefèvre), la formation des futurs enseignants du primaire (par Jeanny Prat), voire le bien fondé d’un enseignement des langues vivantes à l’école élémentaire (par Christian Puren).

Le dossier des Cahiers Pédagogiques permet d’inscrire fermement la pratique enseignante d’aujourd’hui dans un cadre plutôt largement accepté, celui que fixent l’approche actionnelle et la référence au CECRL. Les projets et pratiques évoqués s’appuient souvent sur une représentation de l’apprentissage d’une langue et des langues comme apprentissage de codes ou de pratiques discursives, plutôt que de contenus langagiers atomisés. Parmi les nombreux projets interdisciplinaires (dont évidemment les EPI) évoqués, ceux qui donnent vraiment du sens aux apprentissages s’inscrivent dans un contexte et le font de manière actionnelle.

Le dossier ne dissimule pas non plus les points négatifs, et on ne s’étonnera pas que plusieurs des auteurs rejoignent les inquiétudes et les regrets de l’APLV à propos de la réforme du collège : regret de la disparition de certaines classes bilangues (dont les bilangues anglais-turc, qui facilitaient la réussite scolaire d’enfants issus de familles immigrées), insuffisance des horaires annuels de LV2, perte de postes, multiplication des services sur plusieurs établissements, fuite des familles vers l’enseignement privé. De même, l’APLV ne peut que se réjouir que Jeanny Prat et Christian Puren aient été invités à développer leurs (et ses) analyses sur la formation inadéquate des professeurs des écoles à la didactique des langues vivantes et sur la faiblesse théorique du dogme officiel de l’apprentissage précoce des langues.

Jean-Luc BRETON
Vice-Président de l’APLV