Pour une compétence éthique et déontologique en Didactique des langues-cultures, par Chantal Forestal

Conférence donnée lors de l’assemblée générale de l’APLV, le 9 décembre 2006 à Marseille.
lundi 29 janvier 2007

Introduction

En cette période plutôt nihiliste, une période où l’on recommence à ne plus trop savoir (ou vouloir) distinguer ce qui est de l’ordre de l’éthique et ce qui est de l’ordre de l’obscurité métaphysique, une période où l’entreprise pédagogique est trop souvent invitée à renoncer à la transmission de certaines valeurs, il est à la fois audacieux et urgent qu’une association comme l’APLV se soit décidée dans son dernier numéro de poser la question « Pourquoi et comment enseigner le mal » et prenne le risque de me permettre dans le cadre de cette conférence inaugurale d’aborder le délicat problème de l’éthique et de la déontologie en Didactique des langues-cultures (désormais « DLC »).

L’éthique, la déontologie comme le bien le mal, le vrai et le faux, le beau et le laid, relèvent de décisions humaines certes relatives et, historiquement datées, mais qui concernent, comme le rappelle Michel Onfray, les hommes entre eux, tous les hommes, ici et maintenant.
Comme d’une part toute éducation suppose une finalité et que d’autre part, sans objectif clairement défini, l’éthique et la déontologie ne présentent aucun intérêt, la finalité que nous aurons à cœur de défendre dans notre propos correspond à ’une « relaïcisation » de l’éducation par l’enseignement des langues-cultures.

Enfin comme il ne s’agit pas d’une morale théologique, transcendantale mais d’une éthique temporelle immanente, je parlerai de ce sujet délicat à travers le domaine qui est m’est familier, celui de mon expérience professionnelle : le FLE-FLS (Français langue étrangère - Français langue seconde).

Dans le cadre d’un référentiel de compétences pour enseignants et formateurs, nous nous proposons de donner des éléments de définition et d’analyse, et de faire quelques propositions pour la mise en place d’une compétence éthique en DLC, compétence qui ne serait pas injonctive (au sens autoritaire du terme), mais délibérative et réflexive, et qui proposerait quelques points de repère

1. Éthique, morale et valeurs

L’étymologie est sans utilité pour distinguer entre les deux termes « morale » et « éthique » : tous deux renvoient au domaine commun des mœurs. Par contre, en DLC, l’évolution du concept d’« éthique » est assez claire. La dimension éthique de l’enseignement apprentissage d’une langue étrangère est fondamentale non seulement parce qu’elle renvoie aux mœurs (en grec, « ethos »), aux valeurs et donc à la culture, mais aussi parce qu’elle est un principe pour une réelle éducation aux langues-cultures étrangères. Il ne s’agit plus nécessairement d’éduquer aux bonnes mœurs (en grec, « éthicos », qui concerne la morale), c’est-à-dire aux règles de conduite communément admises dans une société, mais d’apprendre à réfléchir sur les valeurs ancrées dans les modalités d’organisation de cette société, et de comparer celle-ci à d’autres sociétés. Se pose dès lors le problème de ce que sont intrinsèquement les valeurs, leur contenu (valeurs morales, scientifiques, esthétiques, religieuses,...), leur hiérarchisation (valeurs locales, traditionnelles ou valeurs universelles), leur complémentarité (bienveillance envers autrui et justice sociale), mais aussi les oppositions entre elles et les antagonismes qui les traversent (affirmation de soi / soumission au groupe ; liberté d’action / solidarité ou protection de l’environnement ; etc.). Citons comme exemple ce qui s’est passé dans un village italien, lorsque les notables ont demandé au curé du village de dire une messe pour éviter la chute des cours de la bourse.

Outre ce problème de leur diversité, les valeurs peuvent exister seulement si elles sont reconnues à l’intérieur d’un espace social qui permet ou empêche certaines d’entre elles de cohabiter. À titre d’exemple, la « solidarité », lorsqu’elle fonctionne au niveau du clan, de la communauté peut s’opposer à la « démocratie », laquelle suppose une solidarité à autre échelle, celle de l’ensemble des composantes de la société.

En classe de langue, les approches « intraculturelle » [1], « interculturelle » [2], « transculturelle » [3], « métaculturelle » [4] et « co-culturelle » [5] dans l’enseignement des langues-cultures étrangères permettent une mise en perspective de la langue-culture source et de la langue-culture cible et une meilleure compréhension d’autrui (analyse et mise à distance critique des valeurs, des stéréotypes qui obéissent à la tradition et aux modes de pensée de la doxa, avec leurs effets psychologiques et éthiques). Employées de façon concomitante ou alternativement, ces approches contribuent à départir les apprenants d’une attitude égocentriste, « sociocentriste » ou ethnocentriste. Elles favorisent aussi la lutte contre certaines « valeurs passionnelles dégradées » des telles que l’intolérance, le racisme ; ou les valeurs productivistes et consuméristes qui règnent dans le marché de la formation en langues et dans les phénomènes de parascolarisation (cf. ci-dessous le « déficit éthique d’ordre politico-économiste »).

2. Fonctions et fonctionnement de l’éthique en didactique des langues-cultures

En tant que discipline praxéologique, c’est-à-dire une discipline qui vise l’action sur le terrain, se doit de s’interroger sur les fondements de son action, voire ses contradictions, ainsi que sur les conséquences de ses procédures d’enseignement et de recherche. En tant que discipline d’intervention, elle doit s’interroger, entre autres, sur la pluralité des sphères de son domaine dans lesquelles doivent être mobilisées la réflexion et la conscience éthiques.
L’éthique permet de repérer les idéologies justifiant les actions de la DLC, et de distinguer celles qui sont nécessaires et positives de celles qui sont invalidantes ou négatives. [6]6

  • 2.1 Exemples de fonctionnement éthique satisfaisants

― Prise en compte des besoins de l’apprenant, de ses stratégies d’apprentissage mais aussi possibilité de se libérer de sa culture d’apprentissage en enrichissant ses stratégies individuelles par le développement de ses capacités de discernement, de critique, d’autonomisation. Ce peut être aussi apprendre à échanger en gardant la bonne distance : ni mise à distance radicale, ni proximité excessive qui exposerait au déplaisir d’autrui ou à la destruction de soi (ce que Michel Onfray appelle l’ « éthique aristocratique de la relation à l’autre »).

― Respect de l’indépendance de l’enseignant, de ses possibilités d’accès aux responsabilités, à l’innovation, à la recherche, notamment dans le cadre du service public. Peut-il avoir une influence sur les programmes, a-t-il assez de marge de manœuvre pour favoriser chez les apprenants des savoirs qui sont de plus en plus constitutivement instables et de moins en moins des continents pleins (cf. Michel Serres dans Le Tiers―Instruit) ?
Pour terminer sur ces deux points concernant ces deux acteurs de la situation d’enseignement-apprentissage que sont l’apprenant et l’enseignant, soulignons qu’il ne peut y avoir d’éthique sans un sujet capable de se désigner comme auteur responsable de ses actes.

― Dans le débat sur les contacts interculturels et le multiculturalisme, l’éthique invite, bien évidemment, à se poser la question de l’enrichissement culturel. La conscience éthique donne sa place à chacun et au-delà donne sa dignité à chaque culture, reconnaît ses richesses passées et présentes, ses potentialités, sans pour autant adhérer a priori à toutes ses composantes. C’est paradoxalement le cas avec la langue-culture française de la colonisation, qui n’a pas été seulement celle des exploiteurs profiteurs de l’empire colonial français, mais également celle des instituteurs ou des professeurs d’université qui avaient pour horizon de leur enseignement la défense des valeurs humanistes et citoyennes, celles- là mêmes qui ont permis la formation de leaders de l’indépendance tels que Bourguiba en Tunisie, Léopold Sendar Senghor au Sénégal, Hamani Diori au Niger). Parfois, il serait bon de le rappeler, les conflits qui découlent de la prise en compte de la diversité culturelle ont pu conduire à un progrès, à un enrichissement de l’humanité.

  • 2.2 Exemple de fonctionnement éthique plutôt satisfaisant : l’approche systémicienne des travaux de la CCCE

L’approche systémique sous-jacente aux travaux de la Commission Culturelle du Conseil de l’Europe (cf. l’ensemble des projets linguistiques de cet organisme) est certes un progrès pour notre domaine. L’ouverture de son champ d’intervention vers des objectifs opératoires et l’acceptation du principe de l’approximation efficace dans une situation d’enseignement-apprentissage ― principe selon lequel il n’est pas besoin de tout connaître pour intervenir ―, tous ces principes sont indiscutablement des avancées pour la pratique pédagogique. En effet, il existe en DLC des situations imprévisibles, il existe un gisement inépuisable de faits à comprendre, d’où la nécessité de favoriser une démarche plus globalisante, de recourir à une approche interdisciplinaire afin d’avoir une vue élargie de tous les paramètres de la situation éducative. Toutefois, la prise en compte de la seule complexité ne peut suffire, et elle peut devenir à terme aussi paralysante que naguère l’hégémonie d’une discipline ou d’un positionnement épistémologique (cf. la domination de littérature autrefois, de la linguistique aujourd’hui). D’un point de vue éthique, le problème en effet est de savoir quels paramètres, quelles variables sont à retenir et en fonction de quels critères s’effectue certains choix ; en quoi l’idéologie sous-jacente, les valeurs traversent le champ de l’expérience, en limitent la portée ou en définissent les finalités. Ainsi, l’approche systémique du Cadre Européen tend à minimiser les contraintes qu’impose le système économico-politique. Sous couvert d’une bienveillante neutralité vis-à-vis des différents systèmes éducatifs européens, les experts du Conseil de l’Europe ne souhaitent pas être prescriptifs, mais de fait ils cautionnent le plus souvent l’existant, à savoir une vision le plus souvent conservatrice et traditionnelle de la classe politique des différents pays. Le plurilinguisme, malgré sa bonne réputation, risque de n’être le plus souvent, dans les différents systèmes éducatifs européens, qu’une valeur abstraite.
La Commission européenne, lors d’une de ses communications officielles, ne s’est-elle pas prononcée ouvertement et sans ambiguïté sur les « effets positifs » de l’augmentation des droits d’inscription à l’Université, au prétexte qu’ils seraient plus aptes à renforcer « la qualité de l’enseignement » et « la motivation des étudiants » ? [7]. Il n’est pas sans intérêt à ce propos de rappeler que le projet des experts situe le domaine de l’apprentissage des langues dans la perspective économique du « marché des langues ». Or bâtir l’Europe des langues et des cultures ne relève pas d’une approche uniquement pragmatique. Les enjeux d’un tel apprentissage ne sont pas seulement économiques, mais existentiels car liés au développement de la personne et à l’ouverture de la société. Au delà des principes, la défense de l’enseignement-apprentissage des langues- cultures implique par conséquent un positionnement éthique ou politique au sens philosophique du terme. Quant à la DLC, elle doit aussi apprendre à se positionner : a-t-elle ou non comme mission fondamentale, notamment en formation initiale, de préparer à la mobilité professionnelle et de répondre aux entreprises ou de réapprendre une valeur en crise : le vivre ensemble, et si oui quelles en sont les implications ?

On peut craindre également que les différents systèmes éducatifs ne retiennent du Cadre Commun de Référence Européen que le plus petit dénominateur commun, à savoir moins les dispositifs de formation des compétences, que les dispositifs d’évaluation des apprenants, qui seraient instrumentalisés par tous ceux qui, dans une logique sélective, ne chercherait qu’à favoriser quelques bons en langue, ou quelques langues majoritaires.

Le Portfolio Européen des Langues est un outil intéressant car il valorise la biographie langagière de l’apprenant et ses compétences acquises ; il favorise aussi le processus d’auto-évaluation, ce qui est un moyen pour l’apprenant d’apprendre à réfléchir sur son parcours d’apprentissage et sur ses modes d’acquisition. Cet outil va donc dans le sens de la reconnaissance du sujet apprenant, de la prise en compte de la diversité de ses parcours langagiers, et de ses compétences langagières. Encore faut-il que les instances de légitimation ― institutions éducatives, entreprises ― jouent le jeu, et qu’elles ne hiérarchisent pas les langues.

Le Portfolio offre à l’apprenant la possibilité de réfléchir sur sa compétence interculturelle. Or celle-ci mérite réflexion. S’agit-il d’une aptitude à prendre de la distance par rapport à sa propre culture, à aller vers l’autre (faut-il d’ailleurs toujours aller vers l’autre lorsque cet autre est détestable ?), s’agit-il d’une aptitude à mettre de côté tout sentiment valorisant ou dévalorisant, faut-il aller jusqu’à abandonner toute conviction et apprendre à renoncer à certaines valeurs (j’aurai l’occasion de revenir sur cet aspect ultérieurement) ? Ou s’agit-il au contraire d’aller un peu plus loin et d’apprendre à participer à la mise en place d’une conscience planétaire, d’une survie collective d’une communauté mondiale de plus en plus pluriculturelle ou multiculturelle.

  • 2.3 Exemples de fonctionnement éthique déficitaire

A contrario, le problème se pose pour les publics de la formation à visée d’insertion sociale destinée à des publics migrants. Alors que les discours des institutions européennes reconnaissent l’importance de défendre la diversité des langues-cultures, ces mêmes institutions reconnaissent moins volontiers la nécessité politique de faire appliquer le droit à l’apprentissage de la langue lorsqu’il s’agit de ces personnes. À un moment où l’État marchande de plus en plus le traitement du droit d’asile et la carte de séjour, à un moment où la formation à visée d’insertion sociale est soumise au code des marchés publics, comment demander à des migrants de s’impliquer, de devenir des citoyens actifs, de s’intégrer à la nation ou encore d’accéder à l’espace public et à la communication, s’ils ne disposent pas des moyens économiques, culturels et économiques nécessaires ? Comment demander aux enseignants formateurs de ce secteur, alors même qu’il sont de plus en plus fragilisés- sans contrat stable et sans garantie d’emploi - de continuer à s’impliquer ou même de travailler bénévolement ?

    • a) Vision capitaliste ou néolibérale

On ne peut que constater le déficit éthique d’ordre politico-économique dans le développement paradoxal, depuis les années 80, des cours particuliers privés pour toutes les classes d’âge de la maternelle au lycée et à l’Université. Ce phénomène aggrave, on le sait, les inégalités sociales, et fragilise le système éducatif public. La possibilité de s’adresser à quelqu’un en dehors de l’école permet de contester les critères ou les valeurs éducatives de l’école. C’est ce à quoi l’on assiste dans le développement des frondistiria de langue étrangère en Grèce, dans l’augmentation des établissements privés, sponsorisés ou pas, au Brésil, au encore au Japon... et en France. Selon une recherche effectuée par Dominique Glasman sur la Région Rhône-Alpes au moins un élève sur cinq (et peut-être même un sur quatre) a suivi des cours privés pendant l’année durant laquelle a été réalisée son enquête sur le développement du secteur privé dans l’enseignement des langues. L’idéologie du « marché des langues » sert on le sait de justification aux rapports de force et de domination entre les langues et les cultures. Ainsi assiste-t-on à une forte expansion des cours privés en anglais au détriment de la valeur éducative et culturelle de l’enseignement-apprentissage des autres langues-cultures.

Comme le souligne fort justement Yannick Lefranc (cf. bibliographie), l’idéologie gestionnaire invoque très souvent un principe de réalité économiste (il n’y a pas assez d’argent) pour justifier les contraintes budgétaires, et s’appuie sur les experts. Il aurait été prouvé que deux ou trois élèves de plus par classe ne change rien. Mais on passe sous silence des études qui montrent que l’apprentissage est plus efficace à 10 élèves qu’à 30. On met de même en avant la lutte contre la ghettoïsation des élèves dans les CLIN et les CLA pour les intégrer dans les classes « normales », même s’ils ne sont pas prêts, même s’ils n’ont pas eu le temps humainement nécessaire pour assimiler le français de la communication et encore moins celui de la scolarisation avec ses métalangages grammaticaux et stylistiques.

D’une manière générale, les forces dominantes jouent en défaveur de l’école et en faveur de sa délaïcisation, notamment lorsque la communication se substitue à la transmission, lorsque le relativisme culturel se substitue à une culture humaniste tombée en discrédit.

    • b) Vision étatique, protectionniste ou religieuse

Cette vision s’oppose notamment à la libre circulation des langues et des cultures. L’enseignement de la langue étrangère est dissocié ou aseptisé de sa dimension culturelle. Bien loin d’être neutres, les États et leurs institutions éducatives peuvent détruire les capacités de jugement et d’expression des individus et parfois même saboter l’apprentissage d’une langue jugée trop subversive sur le plan culturel. C’est le cas de certains régimes islamistes-intégristes, qui suppriment l’enseignement du français dans le secondaire. [8] Un futur responsable de l’enseignement du français au Yémen a soutenu une thèse ou il propose de passer au crible du Coran l’enseignement de la culture française. Cette censure existait autrefois, et elle existe encore aujourd’hui dans certains pays soumis à des régimes marxistes-léninistes devenus des dictatures, tels La Corée du Nord. Comme le souligne Robert Galisson, il paraît légitime de poser que tout pays a naturellement le droit de choisir telle langue étrangère plutôt que telle autre, mais à partir du moment où il en choisit une, il a le devoir de la choisir avec sa culture, parce qu’elle est constitutive de celle-là, c’est-à-dire de son identité et de sa fonctionnalité.

C’est le cas également pour la culture lorsqu’un état favorise à l’intérieur de son système éducatif la remise en cause de certains aspects de telle ou telle culture. Le développement de la propagande créationniste à l’intérieur du système scolaire américain, avec l’interdiction d’enseigner la théorie de l’évolution, en est un exemple très significatif. Ce règlement de compte contre Darwin va jusqu’à le rendre responsable de l’homosexualité ou encore de la dictature d’Hitler.

    • c) Vision colonialiste ou impérialiste

La mission « éducatrice » de l’enseignement d’une langue ne se borne pas alors à répandre une « civilisation » considérée comme supérieure, mais aussi la langue qui en est l’expression. La langue minoritaire du colonisateur est imposée comme langue nationale. Dans le même temps, on interdit le bilinguisme ainsi que les langues locales des populations indigènes. Cela a été le cas dans l’Algérie coloniale : l’arabe « langue étrangère facultative » dans le système éducatif au temps de la colonisation y a disparu comme langue officielle quotidienne et administrative. Aujourd’hui le régime algérien refuse de reconnaître le Kabyle comme langue nationale alors que les origines berbères des Kabyles sont reconnues par l’État algérien. Autre exemple : en Afrique francophone, sous la colonisation, la langue-culture française a été distillée au compte-gouttes. Pour une saine gestion politique des colonies, il faut, disait-on, éviter de rendre l’indigène ingouvernable. C’est au colonisateur de détecter et de distribuer la juste dose de langue-culture française à ceux qui seront considérés comme des « évolués ». Ce sont ces derniers à qui le système a facilité l’ascension sociale, qui ont eu accès au pouvoir au moment des indépendances, et qui représentent la fine fleur de l’intelligentsia africaine. On connaît le gouffre qui sépare désormais cette « élite » du reste de la population dans l’ensemble marginalisée, déscolarisée, avec seulement des bribes de culture française et de français qui viennent s’empiler sur plusieurs langues indigènes jamais apprises sur les bancs de l ‘école. D’où le développement de parlers créolisés : le « français maquis » (Moussa) en Côte d’ivoire, le c »amfranglais » du Cameroun, etc. Comme le souligne Laurent Kashema, les professeurs de français auraient tout intérêt de donner, au sein de l’institution scolaire, une « petite » place à ces normes sociolangagières. Tenir compte des usages locaux de différents parlers à composantes françaises non seulement faciliterait l’acquisition des mécanismes cognitifs pour les autres apprentissages de l’école, mais elle éviterait que la langue-culture française, médium de l’école et de l’administration, mais aussi véritable fardeau pour tous les régimes politiques africains, ne finisse par céder la place à l’anglais.

    • d) Vision « scientiste » et/ou « techniciste »

Dans le cadre de la marchandisation du savoir et de l’optimisation des nouvelles technologies sur lesquelles se font l’essentiel des investissements, on exige ainsi de l’apprenant le plus fragile, le moins prêt à s’autonomiser et à gérer lui-même son apprentissage, qu’il se passe de l’accompagnement de l’enseignant. On fait l’impasse sur le corps sensible, l’émotion, le désir, cela parfois dans une période de la formation où ces facteurs sont déterminants (chez les jeunes enfants). Plus généralement règne encore aujourd’hui ce qu’il est d’usage, depuis les années 1970, d’appeler l’applicationnisme, en didactique des langues, avec une connotation très négative. Une version de cet applicationnisme caractérise certaines pratiques de l’Inspection et des formateurs de terrain : elle consiste en l’utilisation mécanique d’outils préconstruits qui condamne toute initiative de la part des acteurs (enseignants et apprenants), toute empathie entre eux, tout désir de créativité. C’est le cas également lorsqu’on limite les objectifs de l’apprentissage à l’obtention de certifications. Nous prendrons pour exemple le cas des certifications du DELF, DALF en Grèce : l’enseignement du français n’y est valorisé que pour l’obtention de ces certifications, pour lesquelles le secteur public se trouve fortement concurrencé par le secteur privé. Certes, il est bon d’avoir des certifications, mais cibler la formation uniquement sur leur préparation ne permet pas de répondre aux enjeux d’une véritable éducation. Les seules réunions pédagogiques encore fréquentées sont celles qui ont pour objectif l’organisation des examens. L’enseignement du français y a perdu non seulement en convivialité et en créativité, mais aussi, paradoxalement, en efficacité. Il n’est peut-être pas inutile de rappeler qu’en dix ans la France a fermé à l’Étranger 26 centres culturels sur les 30 existant auparavant.

3. Pour une éthique domaniale : vers un « Comité d’Éthique des Langues-Cultures »

Nous militons personnellement pour la construction d’un Comité d’éthique des Langues-Cultures (C.E.L.C) [9], et pour la mise en œuvre d’une approche éthique et déontologique du champ de la DLC.

En principe, la déontologie concerne les devoirs codifiés et parfois non codifiés qu’impose à des professionnels l’exercice de leur profession. Elle repose sur la notion de responsabilité. Pour qu’une déontologie prenne tout son sens en DLC, il faut que l’ensemble du champ soit pris en compte et tous ses acteurs sollicités. Quelques obstacles peuvent être inhérents à toute approche déontologique du champ et obligent à définir des zones de responsabilité :

― La sphère des rapports entre enseignants et apprenants, où sont mises en jeu les représentations sociales véhiculées par les relations pédagogiques, les contenus et stratégies d’enseignement et les stratégies d’apprentissage. Au mythe fallacieux et ambigu d’une pseudo neutralité idéologique et pédagogique doit répondre une réelle formation des enseignants à la « méta-communication » (voir plus bas, et note 12) et à la « pédagogie du conflit ».

― La sphère du politique, qui domine le champ et qui définit la politique linguistique à plus ou moins long terme, avec ses conséquences pour les personnels et la diffusion de la langue et de ses contenus.

― La sphère du marché, qui privilégie une logique du profit, incompatible avec une démarche déontologique.

Les missions et objectifs de ce Comité d’Éthique seraient d’assumer la réflexion dans les différents domaines et de mener l’action pour unifier démocratiquement les points aussi à l’intérieur qu’à l’extérieur de la classe de langue :

  • a) À l’intérieur de la classe de langue

Lorsque la classe prétend être un lieu de pseudo-neutralité et pseudo-objectivité, elle masque idéologiquement les rapports de force et sa fonction de reproduction de l’ordre social dominant. [10] Mais elle peut être un lieu privilégié de négociation et d’élaboration (cf. la notion de « co-construction », Puren 2005) entre enseignants et apprenants avec des implications déontologiques évidentes : négociations sur les contenus de l’enseignement, sur la pédagogie à adopter, sur les critères et les modalités de l’évaluation. Pour qu’il y ait une telle négociation, il faut impérativement qu’il y ait du non négociable pour les différents partenaires (exemple : « On ne censure pas », ce qui ne veut pas dire que l’on va laisser passer sans critiquer).

En ce qui concerne l’évaluation, il faut rappeler que tout n’est pas évaluable (notamment ce qui dépasse nos connaissances actuelles), ou mesurable (l’empathie, la qualité de la relation à autrui, la sensibilité, la créativité). Or ce qui n’est pas évaluable n’est pas nécessairement le moins important. L’évaluation est encore trop souvent du ressort exclusif de l’institution, et insuffisamment de celui des apprenants. Ces derniers ont encore trop peu de pouvoir. L’institution tend en effet à se préoccuper davantage du produit fini que du processus et des contraintes de production de ce produit fini, négligeant, par exemple, le temps nécessaire à l’acquisition de certaines compétences ou la réflexion sur les stratégies d’apprentissage.

Enfin, les valeurs que l’on met régulièrement en avant dans l’approche des démarches interculturelles et transculturelles - coopération, respect d’autrui, partage, implication,... - ne doivent pas être un alibi et occulter les références à des valeurs différentes ou éviter les débats idéologiques. La formation des enseignants doit intégrer la pédagogie du conflit, c’est-à-dire valoriser les approches qui suscitent et légitiment la polémique, le débat, l’argumentation. Les valeurs et les pratiques à développer sont l’esprit critique, l’honnêteté intellectuelle, le courage de communiquer ses sentiments, d’aller au-delà de soi, de coopérer, de partager les tâches, mais aussi de reconnaître ses limites ou celles du groupe et d’accepter des situations dans lesquelles aucune solution constructive ne peut être trouvée. Ainsi le formateur doit-il apprendre à se situer par rapport aux questions de l’intégration ou du communautarisme (Gilles Verbunt, cf. bibliographie). L’enseignant doit apprendre à travailler les différents niveaux de communication possibles et à faire détecter par l’apprenant le niveau de communication auquel il se situe (formation à la « méta-communication », dans la perspective défendue par Jacques Demorgon). [11]

L’enseignant doit savoir fixer ce qui est non négociable, identifier les zones conflictuelles dans la relation entre deux communautés, expliquer les croyances, les comportements, (cf. Geneviève Zarate, bibliographie).A l’école il doit également contribuer à promouvoir le respect mutuel des deux sexes, œuvrer à une mixité réelle et juste ( cf. « langues-cultures et genre » ELA N° 142 coordonné par Mireille Baurens )

Enfin, quelle que soit la langue et quelle que soit la culture, que l’on soit apprenant ou enseignant, établir un rapport avec l’autre, s’adresser à l’autre suppose la foi. « Il n’y a pas de lien social sans une foi...une foi universelle » (Jacques Derrida), une foi positive qui comprend la croyance de l’autre mais ne s’y enferme pas. Certes, il faut critiquer par exemple l’ethnocentrisme d’un Benoît XVI qui érige la chrétienté en religion modèle. Mais il ne faut pas pour autant tomber dans le relativisme culturel qui instrumentalise le concept de culture, en en profitant pour parler de l’échec de la République et de son école. Il n’y a pas eu échec, il y a eu défaite de la République par des forces antirépublicaines : jadis la colonisation, aujourd’hui le libéralisme. Les valeurs universelles de liberté, fraternité, égalité ont été dévoyées. La laïcité est un combat permanent. Il faut rappeler que les mouvements d’émancipation se sont faits contre la religion, et que la laïcité n’est pas une conquête de la chrétienté.

  • b) À l’extérieur de la classe de langue

Les lieux de négociation sont les organismes publics et privés, les Universités, l’Éducation Nationale, le Ministère des Affaires Étrangères, la Direction Générale à la Langue Française (DGLF), mais également les organismes de formation scientifique ou technique à l’étranger et les entreprises étrangères ou françaises en France ou à l’étranger. Pour ces dernières plus particulièrement, il est crucial de défendre l’indépendance de la formation aux langues-cultures, notamment par rapport à la commande sociale et aux tutelles de contrôle. Cela implique que l’on revienne sur le principe de l’obligation de réserve dans la fonction publique. La valeur éducative centrale à défendre, c’est l’autonomie des apprenants, des enseignants-stagiaires, des enseignants. Les valeurs éducatives d’autonomie et de prise de responsabilité, d’engagement, de formation de qualité, concernent les apprenants les stagiaires mais aussi l’ensemble des personnels en charge de la formation en DLC. Ces valeurs peuvent s’opposer à certaines exigences d’efficacité et de rentabilité immédiate et à court terme.

Nous prendrons pour exemple un cas qui vient de nous être signalé. En Chine, une Alliance française attire son public en proposant de faire passer le Test d’Évaluation du Français (TEF), avec pour effet d’annonce la réussite à l’examen comme principale condition pour obtenir le visa. L’inscription est d’un coût très élevé pour un étudiant chinois. Les enseignants apprennent par la direction de l’Alliance que l’Ambassade ne délivrera aucun visa cette année, mais qu’ils ne doivent en aucun cas en informer les étudiants sous peine d’être licenciés sur le champ. On peut imaginer le désarroi des collègues en question.

De même, il nous paraît urgent de dénoncer les conditions dans lesquelles est actuellement mis en place par les services consulaires le dispositif des Centres pour les Études en France(CEF) et ses conséquences sur les nouvelles procédures de délivrance de visas mises en œuvre depuis plusieurs mois. C’est la position qu’a prise notre syndicat, le SNESUP.

Que ce soit à l’intérieur de la classe ou à l’extérieur, il y a désormais nécessité de former l’enseignant non seulement en tant qu’enseignant, mais aussi en tant qu’acteur social (Abdallah Pretceille, cf. bibliographie).

Conclusion

L’éthique, encore une fois, donne une place à chacun, redonne une dignité à chaque culture, permet de reconnaître à toutes leurs richesses et potentialités, sans pour autant que l’on partage toutes ses idées, que l’on adhère à toutes ses croyances et convictions.

La prise en compte de la dimension éthique devient un élément majeur pour favoriser la mise en place d’une compétence interculturelle et transculturelle en DLC. Définir les principes d’une compétence générale inter- et transculturelle implique de partager certaines convictions avec les praticiens de l’interculturel dans les rencontres internationales (J. Demorgon), du travail social (Gilles Verbunt) ou encore de l’enquête de terrain (Bernard Lahire) :

― Tout n’est pas culturel, dans le sens où, comme nous l’avons vu, il y a aussi du politique et de l’économique.

― Tout ce qui est culturel n’est pas forcément acceptable (ou respectable) pour des sujets qui ont le pouvoir d’interroger et de délibérer. C’est le cas par exemple lorsqu’un arrêté du Conseil des Arts au Canada interdit, dans un musée, l’exposition de certaines œuvres sous prétexte qu’elle choquerait tel type ou tel type de public. C’est le cas également lorsque la remise en cause des Lumières au nom d’une religion amène à censurer une pièce de Voltaire. Et plus généralement lorsqu’est mis en avant et instrumentalisé ce qu’on a pris l’habitude d’appeler « l’intime d’une blessure » : si chacun met en avant sa blessure, le monde entier n’est plus qu’une grande souffrance...

― Tout individu doit pouvoir disposer d’une marge de manœuvre qui lui permette, dans certaines limites, de s’autodéterminer et de faire jouer sa propre singularité.

― Toute culture particulière est de l’ordre du produit tout autant que du processus : chaque culture s’est créée et continue à se créer par confrontation avec d’autres cultures dans un processus dynamique qui se poursuit constamment. C’est le cas des mouvements féministes musulmans qui à Barcelone ont revendiqué leurs droits et leur indépendance contre l’islam traditionnel et l’islamisme, et leur droit à interpréter le coran, mais qui aussi se sont défendues contre le paternalisme des féministes occidentales. Ne pas reconnaître cette pluralité humaine et envisager la défense de l’humanité comme une mécanique homogène de la défense des Droits de l’Homme aboutit, nous ne le savons que trop aujourd’hui, à Busch et à la conception de ce qu’il appelle une « guerre éthique ».

― Enfin toute culture particulière doit pouvoir se situer par rapport à des principes universels appelés plus que jamais à devenir un projet commun d’humanisation, d’une humanité qui aujourd’hui est plus souvent destructrice d’elle-même que constructrice de son avenir. Bien que ces valeurs universelles ne puissent plus être la simple reprise des valeurs occidentales, il convient de rappeler que l’Humanisme de la Renaissance et des Lumières est fondamentalement une ouverture sur toutes les cultures, le respect de leurs modes de pensée, de leurs croyances, mais aussi parfois leur mise en respect : il faut aussi réapprendre à se défendre en réarmant les esprits (Yannick Lefranc, cf. bibliographie). C’est ce à quoi doit tendre un idéal de laïcité, lequel n’est pas, contrairement à ce que qu’on veut laisser croire, une valeur strictement franco-française, mais un principe fondateur de la démocratie. En prenant pour prétexte le respect des différences, le multiculturalisme et le « Dialogue des civilisations » peuvent devenir des leurres lorsqu’ils incitent à renoncer à certains principes sur lesquels nous ne devons pas transiger. Il n’y a pas que des exceptions culturelles (cf. la Corse). Les cultures elles aussi devraient pouvoir évoluer avec l’horizon d’une universalité à construire sur les bases de l’égalité mais aussi de la liberté :à trop vouloir éviter le conflit, on favorise finalement la violence.

Poser ces principes ne peut suffire bien évidemment sans la mise en place d’une réelle compétence par des apprentissages sur le terrain favorisant rencontres et travaux partagés avec leur défis, leurs chocs, leurs incompréhensions, mais aussi la volonté et la capacité d’apprendre à les évaluer, à les surmonter et à sublimer les divergences. C’est tout l’apport de la méthode de « l’adaptation antagoniste » préconisée par le philosophe Jacques Demorgon dans sa Critique de l’interculturel (titre de l’un de ses ouvrages, cf. bibliographie). L’auteur y dénonce une attitude qui consisterait à considérer, sous prétexte d’un droit à la différence, qu’autrui a ses raisons que nous n’avons pas à juger. Cette attitude que l’on peut qualifier de « neutralité bienveillante » revient à se placer d’emblée à l’extérieur de toute rencontre et à ne pas se sentir concerné par le choc interculturel. Or il nous semble que la considération à accorder aux partenaires d’une rencontre dans le cadre de nos systèmes éducatifs n’interdit pas le conflit, mais nous en donne le droit. Il faut éviter entre autres, tout angélisme qui ne tiendrait pas compte des réalités sociales et culturelles .Le maintien de nécessaires coexistences d’incompatibilités ne condamne pas pour autant les efforts pédagogiques de compréhension ainsi que ses possibilités évolutives .

L’approche que propose Jacques Demorgon de la pédagogie du conflit s’intègre fort bien à la perspective « co-actionnelle et co-culturelle » défendue par Christian Puren. La classe de langue est le lieu d’une pratique à risques, la gestion du conflit par la parole peut, on le sait, avoir des effets positifs mais aussi des effets négatifs. Travailler nos différences culturelles y compris dans la perspective du conflit ce n’est pas en rester au désaccord ou au choc des civilisations, ni s’enfermer dans la perspective méthodologique du savoir-faire ou du faire ensemble. C’est la volonté de comprendre d’autres cultures à des fins de coexistence et d’élargissement de son horizon. Le propre de l’humanité, c’est bien la capacité à partager l’humain, à défendre la communauté des hommes ici et maintenant. C’est dire que la logique instrumentale (ou méthodologique), ne doit en aucun cas l’emporter sur la logique axiologique.

Face à la montée inquiétante des violences, spécialement dans les milieux des jeunes, nous avons souhaité insister sur la nécessité d’inverser cette tendance périlleuse par une formation à une compétence éthique en DLC. Celle-ci devrait contribuer à donner des repères en matière de valeurs (leurs contradictions ou leurs complémentarités) et aider également à refonder un enseignement laïc et républicain.

Références Bibliographiques

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• Kashema Laurent (à paraître en 2007) : « Pratiques socio-langagières, interculturalité et identités : quel français pour quel écoliers de l’Afrique noire francophone ? », Études de Linguistique Appliquée n° 148.
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[1L’ « approche intraculturelle » est celle que l’on utilise pour décrire une culture étrangère à quelqu’un qui ne la connaît pas. On privilégie le savoir ou le vécu subjectif des membres de la culture cible. En classe de langue, cette conception favorise une grande diversité et une grande hétérogénéité des thématiques abordées, et paradoxalement impose une description universalisante qui sous -estime la question de la réception de cette culture par les apprenants à partir de leur propre culture (cf.J.F Beacco voir bibliographie)

[2L’ « approche interculturelle » en didactique des langues centre la réflexion des apprenants sur leurs représentations. Elle les invite à relativiser leurs valeurs, à refuser l’absolu des prétentions culturelles ou religieuses.

[3« L’approche transculturelle » telle que nous l’envisageons s’éloigne de la conception américaine trop « multicuturaliste » et se rapproche de celle de Gisèle Baumgratz-Gangl (voir bibliographie) lorsqu’elle envisage les conditions de la mise en place de ce type de compétence. L’auteur rappelle que « la capacité d’un individu à se mouvoir dans un monde internationalisé dépend en grande partie des influences socialisatrices subies dans son propre contexte national social et socioculturel. Celles-ci pèsent sur les processus d’apprentissage ». Nous pensons en effet que grâce à l’apprentissage d’une langue étrangère, l’élève doit apprendre à percevoir ses liens, ses attaches à des groupes plus larges. La légitimité formative des langues étrangères s’appuie, comme le souligne l’auteur, sur une formation à la mobilité intellectuelle et sur la nécessité de promouvoir par le débat contradictoire les valeurs universelles liées aux droits de l’homme et à la dignité humaine.

[4Le « méta-culturel » correspond à une approche de la culture où l’on propose aux élèves de découvrir les spécificités des autres cultures.

[5Christian Puren (voir bibliographie) appelle pour sa part « co-culturel » le processus d’enseignement-apprentissage qui n’est pas seulement de l’ordre de la découverte de l’altérité, ni même du vivre ensemble, mais celui du travailler ensemble dans la durée.

[6Nous reprenons ici en le développant un des passages de l’article de Robert Galisson, « À la recherche de l’éthique dans les disciplines d’intervention », publié dans le n° 109 de la revue Études de Linguistique Appliquée intitulé « De l’éthique en didactique des langues étrangères ».

[7Jan Figel, communication de la Commission européenne à Bruxelles, 8 septembre 2006

[8Ainsi, depuis la Révolution islamique en Iran, le français n’y est plus enseigné au niveau scolaire, malgré l’image positive dont bénéficie cette langue auprès des jeunes iraniens et des femmes dans les couches favorisées et instruites. La France symbolise la culture littéraire mais aussi l’indépendance d’esprit et la liberté d’expression (cf. Voltaire et son Essai sur les mœurs, Montesquieu et ses Lettres Persanes.

[9Cf. les propositions de Yann Legoff (bibliographie).

[10À cette neutralité idéologique impossible et illusoire, Yannick Lefranc demande de substituer une neutralisation des endoctrinements par l’organisation équilibrée du débat contradictoire (cf. bibliographie).

[11Pour Jacques Demorgon, les échanges de points de vue dans une rencontre ne peuvent permettre aux uns et aux autres d’avancer dans leur mutuelle compréhension qu’à la condition que soient clairement précisés les niveaux de discussion dans l’approche des problèmes. Par exemple, on ne saurait opposer à des informations et à des arguments moraux, des informations et des arguments commerciaux ; on ne saurait s’entendre si l’on traite de la question de l’amitié dès lors que l’on confond le niveau des personnes, celui des groupes, et celui des États-Nations. La communication est nécessairement aussi incompréhension. En classe de langue on préfère généralement éviter toute incompréhension en partageant des problématiques de base commune qui de fait favorise la non-communication, une façon de rejeter l’échange réel pour son apparence.