Le Forum des Sociétés Savantes regroupe des sociétés savantes et associations de spécialistes représentant l’ensemble des disciplines littéraires et scientifiques enseignées au lycée. Ces associations et sociétés présentent leur analyse des propositions ministérielles sur les modalités d’organisation et les grilles horaires des trois niveaux Seconde-Première-Terminale de la réforme proposée par Luc Chatel en novembre 2009.
Résumé :
Le Forum des Sociétés Savantes rappelle, comme principe de base, que tout élève du lycée doit avoir accès à une formation humaniste et scientifique de citoyen autonome, responsable et cultivé dans l’ensemble des domaines du savoir : lettres, sciences, sciences humaines et sociales. Selon les souhaits d’orientation de chaque élève, cette formation doit être plus exigeante dans certains domaines. Les sociétés et associations constituant le Forum insistent sur leur attachement à l’équité géographique de l’offre de formation. Elles désapprouvent la disparition d’enseignements disciplinaires précis contre un volume horaire sans cadrage. Elles dénoncent un déséquilibre accru entre filières et l’irréversibilité de l’orientation. Elles regrettent l’incohérence de la formation scientifique pour les scientifiques et l’incohérence de la formation en langues pour les linguistes. Elles expriment leur inquiétude sur l’avenir des séries technologiques.
Propositions développées
Disparition d’enseignements disciplinaires précis contre un volume horaire sans cadrage
L’accompagnement personnalisé remplacerait l’aide individualisée. Si l’on peut se réjouir que cet accompagnement soit proposé à tous les élèves, il est indispensable d’en délimiter nationalement les contenus et exigences. Ces heures d’accompagnement étant mises en place à budget constant, les horaires d’enseignements marqués diminueraient d’autant dans l’ensemble des disciplines, ce qui contribuerait à accroître les inégalités sociales entre les élèves qui peuvent recevoir un complément de formation ailleurs qu’au lycée et les élèves moins favorisés.
Un volume horaire important serait globalisé et annualisé. La redistribution de ces heures aux équipes pédagogiques serait soumise aux décisions locales, entraînant des enseignements à plusieurs vitesses selon les établissements.
Les dédoublements doivent faire l’objet d’un cadrage national assurant : initiation aux nouvelles technologies, travaux pratiques de physique-chimie et SVT, pratique orale des langues vivantes, travaux dirigés en français, philosophie, mathématiques...
Les modalités et le contenu de l’enseignement des « nouvelles » disciplines (maths appliquées, informatique et sciences du numérique, littérature étrangère en langue étrangère,…) doivent être précisés en concertation avec les spécialistes.
Déséquilibre accru entre filières :
Les grilles horaires proposées ne permettent pas d’envisager un rééquilibrage entre les différentes séries. Les horaires globaux du cycle terminal (Première et Terminale) sont visiblement inférieurs en série L, en contradiction avec la volonté affichée de revalorisation de cette filière. L’adéquation entre enseignements délivrés dans les différentes filières et besoins des élèves pour poursuivre des études supérieures n’est pas apparente. Les études supérieures littéraires nécessitent de plus en plus un bagage scientifique, tout comme les études supérieures scientifiques un bagage de sciences humaines et de lettres.
Un seul enseignement de spécialité serait proposé en première L. Les élèves linguistes n’y trouveraient pas leur compte car l’horaire de langues est insuffisant. De plus, cela mettrait en concurrence un renforcement de la première ou deuxième langue vivante avec un enseignement de mathématiques adapté, mais aussi avec la troisième langue vivante ou les langues de l’antiquité qui ont vocation à être des disciplines à part entière. Deux enseignements au choix, de deux heures chacun par exemple, paraissent incontournables, afin de répondre aux souhaits immédiats des élèves littéraires et de construire la formation dont ils auront besoin dans leurs études supérieures. Ceci équilibrerait l’horaire total de la série L, nettement sous-doté, avec celui des autres séries.
Il est indispensable dans le lycée du 21e siècle, de maintenir un équilibre symétrique entre une formation scientifique pour les élèves des filières littéraires et une formation humaniste pour les élèves des filières scientifiques. Dans chaque série, un enseignement de culture humaniste ou scientifique doit être dispensé à tous les élèves et faire l’objet d’une évaluation pour le baccalauréat. Toutefois, ces enseignements ne doivent pas alourdir la tâche des élèves dans l’apprentissage de leurs spécialités.
Irréversibilité de l’orientation :
Le caractère d’irréversibilité de l’orientation serait encore accentué avec cette réforme. Les mesures mises en place diminueraient les possibilités de réorientation qui existaient et accentueraient les difficultés de changements de trajectoire.
Les réorientations revendiquées par la réforme resteraient sans doute très marginales depuis la Première L, les stages de rattrapage promis pendant les vacances ne pouvant se substituer aux manques évidents dans la formation globale par rapport aux deux autres filières générales. Qui plus est, la volonté affichée de mettre en place une certaine réversibilité aboutirait dans les faits à rendre impossible des choix positifs dès la seconde vers les filières technologiques.
Une formation scientifique incohérente pour les scientifiques :
La structure proposée en Première S entraînerait la perte de 4h30 d’enseignements en sciences. Ces diminutions ne sont pas compensées en Terminale.
La volonté de permettre en fin de Première quelques réorientations aboutit dans les faits à réduire la formation scientifique pour tous, en particulier pour les futurs scientifiques, en totale contradiction avec la spécialisation nécessaire dans le monde actuel, spécialisation qu’ils devront assumer d’autant plus difficilement dans leurs études supérieures.
Une formation en langues incohérente pour les linguistes :
En Seconde, la mise en concurrence en option facultative d’une troisième langue vivante avec les langues de l’antiquité ne profiterait ni aux unes ni aux autres.
Si l’évaluation par compétences des langues vivantes peut apparaître comme un bon cadre théorique, sa faisabilité, notamment au baccalauréat, n’est pas garantie, pas plus que les moyens de son application.
L’apprentissage d’une langue ne se réduit pas à savoir la parler, l’aspect culturel d’étude de la civilisation, important pour la formation du citoyen et pour la poursuite d’études littéraires, ne doit pas être négligé.
Le devenir des sections européennes n’est pas évoqué. Dans cette optique, la DNL (Discipline Non Linguistique) doit être précisée et cadrée nationalement.
Séries technologiques :
Aucune indication n’est donnée quant à la place et aux objectifs de l’enseignement technologique dans le dispositif général. Pourtant, les filières technologiques forment actuellement le quart des élèves scientifiques au lycée poursuivant des études supérieures scientifiques, et constituent un ascenseur social reconnu.
L’orientation positive vers l’enseignement technologique, qui intervient essentiellement en fin de Troisième, serait fortement déstabilisée par la disparition d’enseignements spécifiques proposés en Seconde, un enseignement d’exploration de 1 h 30 ne pouvant suffire à attirer les élèves vers les filières STI, STL, ST2S, STG et STA.
Conclusion
En tant que responsables élus des sociétés savantes et associations de spécialistes, représentatives de la communauté universitaire et enseignante dans toutes les disciplines du savoir, nous demandons à être partie prenante de véritables négociations. Compte tenu de notre légitimité scientifique, de notre expérience pédagogique et de notre représentativité dans le monde universitaire et enseignant, il est nécessaire que nous soyons des interlocuteurs à part entière, que nous soyons informés du calendrier, des étapes et des acteurs de la réforme, et que nous participions en tant que spécialistes aux commissions qui auront à prendre les décisions.
Premiers Signataires
Assemblée des Directeurs d’IREM
Association des Etudes Grecques
Association des Germanistes de l’Enseignement Supérieur
Association des Historiens Contemporanéistes de l’Enseignement Supérieur
Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie
Association des Professeurs de Biologie-Géologie
Association des Professeurs de Langues Anciennes de l’Enseignement Supérieur
Association des Professeurs de Langues des IUT
Association des Professeurs des Langues Vivantes
Association des Professeurs de Mathématiques de l’Enseignement Public
Association des Professeurs de Musique et de Musicologie de l’Enseignement Supérieur
Association des Professeurs de Philosophie de l’EnseignementPublic
Association des Sciences du Langage
Association Française d’Etudes Américaines
Association Française des Catalanistes
Association Française des Enseignants Chercheurs en Cinéma et Audiovisuel
Association Française des Enseignants de Français
Association des Professeurs de Biotechnologies, Santé, Environnement
Société de Langue et Littérature Médiévales d’Oc et d’Oïl
Association pour la Recherche en Didactique des Mathématiques
Commission Française sur l’Enseignement des Mathématiques
Coordination Nationale des Associations Régionales des Enseignants de Langues Anciennes
Société Botanique de France
Société de Mathématiques Appliquées et Industrielles
Société de Philosophie des Sciences
Société des Anglicistes de l’Enseignement Supérieur
Société des Hispanistes Français
Société des Italianistes de l’Enseignement Supérieur
Société des Langues Néo-Latines
Société des Personnels Enseignants et Chercheurs en Informatique de France
Société Française d’Étude du Seizième Siècle
Société Française d’Etudes Médio- et Néo-Latines
Société Française de Physique
Société Française de Statistique
Société Française des Etudes Japonaises
Société Mathématique de France
Union des Professeurs de Physique et de Chimie
Union des Professeurs de Spéciales