Organisée par L’Étudiant et l’APLV, cette table ronde était animée par Emmanuel Davidenkoff.
Dépêche AFP :
Apprendre une langue tôt à l’école ne garantit pas une meilleure maîtrise
L’apprentissage précoce d’une langue en milieu scolaire, y compris dès la maternelle, ne garantit en rien sa maîtrise ultérieure dans les conditions d’enseignement actuelles, ont estimé chercheurs et spécialistes des langues à l’école, mercredi au salon Expolangues à Paris.
Ces spécialistes intervenaient lors d’une table ronde consacrée aux « langues vivantes en primaire », une dizaine de jours après que le ministre de l’Éducation nationale Luc Chatel eut annoncé vouloir « réinventer l’apprentissage de l’anglais », notamment grâce à un « apprentissage précoce » dès trois ans.
Introduit progressivement à partir de 1989, l’apprentissage d’une langue figure actuellement au programme de l’école élémentaire (du CP au CM2), mais pas de celui de l’école maternelle, à raison de 2 fois 45 minutes hebdomadaires théoriques.
« Il n’y a pas de preuve scientifique selon laquelle on apprendrait mieux en commençant plus tôt » dans le schéma scolaire actuel, a affirmé Michel Candelier, auteur d’études sur l’enseignement d’une langue à l’école primaire depuis les années 70, notamment en tant que chercheur en « politiques linguistiques éducatives ».
« Il faut se faire une raison, l’avancement de l’âge d’apprentissage d’une langue ne s’est absolument pas traduit par une amélioration dans l’acquisition de la langue au collège et après », a renchéri Line Audin, professeur d’anglais qui a conduit pendant 20 ans, à l’Institut national de la recherche pédagogique (INRP), des recherches en didactique des langues étrangères.
Cette enseignante dans un collège difficile à Paris explique : « en sixième, certains ont beau avoir suivi de l’anglais pendant 4–5 ans, on ne peut rien en faire. Ils n’ont aucune idée de la structuration de la langue. Certes, ils connaissent des mots isolés — les couleurs, les nombres, la nourriture, ou des expressions en bloc. Mais quand je leur demande par exemple ce que signifie +I’m happy"+, ils me répondent : « bon anniversaire ».
En maternelle, « les élèves ne savent pas ce que c’est qu’une langue, ni même que le français est une langue », a souligné Fleurette Barranco, conseillère pédagogique dans l’académie d’Orléans-Tours.
Joëlle Aden, maître de conférences à l’IUFM/Université Paris-Est-Créteil, a regretté que les heures d’enseignement en langues des instituteurs aient diminué ou disparaissent dans le cadre de la réforme de la formation qui s’est mise en place cette année.
Aucun de ces experts ne juge pour autant inutile de commencer l’apprentissage à l’école élémentaire, mais ils demandent d’être conscients des conditions parfois limitées (horaires, lourdeur du reste du programme, manque de formation initiale des enseignants, etc.) d’apprentissage actuelles.
Pour ce qui est de l’école maternelle, M. Candelier est ferme : « les besoins d’un enfant de trois ans résident surtout dans la découverte du monde dans sa diversité et donc dans la diversité des langues, celle des petits copains. C’est ça qui est intéressant. L’enfant a tout le reste de sa scolarité pour apprendre réellement une langue », a expliqué M. Candelier.
M. Chatel, venu clore cette table ronde, a pourtant réaffirmé sa volonté de mettre en œuvre « une sensibilisation à l’anglais dès la maternelle ».
« Tous les linguistes l’affirment, l’apprentissage d’une langue doit être amorcée dès le plus jeune âge », a-t-il lancé, laissant « abasourdis » ces spécialistes, selon les termes de l’un d’entre-eux.
Sur FRANCE INFO, interview de Fleurotte Barranco, qui est intervenue lors de la table ronde :
À quoi sert l’apprentissage des langues dès le primaire ?
Dans notre rendez-vous avec l’actualité de l’éducation, aujourd’hui, l’enseignement des langues vivantes à l’école primaire…
70% des parents seraient favorables à leur apprentissage dès l’âge de 3 ans, a indiqué Luc Chatel ce midi. Il était en visite au salon Expolangues où un débat était justement consacré à cette question.
Les détails avec Fleurette Barranco, conseillère pédagogique langues vivantes en Indre-et-Loire au micro d’Emmanuel Davidenkoff (5’37") :