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Extrait du Cours de didactique du français langue étrangère et seconde, ouvrage de Jean-Pierre Cuq et Isabelle Gruca, PUG, 2002. (pp.316-320)
"Deux grands courants se partagent aujourd’hui la recherche méthodologique destinée aux enfants : l’enseignement précoce des langues vivantes qui, dans la perspective de l’ouverture du marché européen, est né en France à la fin des années 80 avec les travaux de Michel Garabédian au Crédif et de Bernard Mallet à l’université Stendhal de Grenoble, et l’éveil au langage, mouvement né dans les années 1970 en Grande-Bretagne, notamment avec les travaux d’Erik Hawkins et relayé en France à la fin des années 80, surtout par les travaux de Michel Candelier à Paris X et de Louise Dabène à Grenoble.(Hawkins, 1981)
L’enseignement précoce des langues vivantes
(Extrait)
À proprement parler, l’enseignement précoce des langues signifierait qu’il existerait un âge mûr pour apprendre les langues. Comme c’est le cas pour le FLS, dont le nom ne plaît finalement pas à grand monde, cette dénomination s’est donc imposée par l’usage, malgré les nombreuses mises en garde des spécialistes de cette question, qui lui dénient une valeur véritablement scientifique et en font plutôt un repère par rapport à l’âge habituel du début de l’apprentissage d’une langue étrangère en milieu institutionnel scolaire. (Garabédian, Weiss, 1991)
Aspects psycholinguistiques
Les aspects psycholinguistiques de l’enseignement précoce relèvent évidemment de la problématique plus générale de l’appropriation des langues étrangères. Il est toutefois, plus que l’enseignement aux adultes, marqué de l’influence des travaux de Piaget et de la connaissance assez récente en France des travaux du psychologue russe Vigotsky. Mais il l’est aussi par les théories cognitivistes plus récentes, qui rappellent que le langage est chez l’enfant un facteur de développement cognitif tout autant qu’un objet de connaissance. Pour le dire de façon très rapide, l’enseignement précoce des langues vivantes table sur la malléabilité intellectuelle et audiophonétique de l’enfant qui, dans ses premières années (jusqu’à six ou sept ans environ) est plus apte à acqu« rir une bonne compréhension et une bonne prononciation en langue étrangère parce que son cerveau est encore en cours de croissance et que, selon Troubetskoy, le »filtre phonétique« de la langue maternelle n’oblitère pas encore totalement les capacités auditives. A partir de sept ou huit ans, le cerveau est arrivé à maturation mais se développent en revanche de capacités plus analytiques. A cet âge-là, l’enfant a donc sans doute perdu sur le plan audiophonétique, mais est en revanche tout à fait apte à s’engager de façon réfléchie dans l’acquisition d’une langue étrangère et à avoir une réflexion métalinguisique sur sa propre langue. Au contraire, la prime adolescence, à laquelle l’institution décidait jusqu’il y a peu de faire débuter de tels apprentissages, est sans doute une période moins favorable parce que l’enfant subit de profondes transformations physiques et qu’il doit s’adapter à une organisation scolaire très différente et beaucoup moins sécurisante : une confrontation supplémentaire à l’inconnu lui est d’autant plus difficile, surtout du point de vue émotionnel. D’autre part, commencer tôt l’apprentissage d’une langue étrangère permet de l’approfondir plus vite et de passer ainsi à une seconde langue étrangère au niveau du collège. Enfin, argumente Rachel Cohen, »l’enfant bilingue jouant continuellement avec deux séries de symboles développe une flexibilité de l’esprit que l’autre n’a pas. Cette flexibilité mentale a des conséquences aussi dans les autres disciplines." Il est donc sans doute intéressant de favoriser un contact avec au moins une autre langue étrangère le plus tôt possible.
Le modèle méthodologique fictionnel et ludique de Bernard Mallet
Selon Bernard Mallet, la méthodologie de l’enseignement aux jeunes enfants doit se préoccuper avant tout de l’aspect affectif et du rôle que la langue étrangère peut jouer dans la construction de l’identité de l’enfant. Il convient donc de créer un modèle qui se présentera « sous forme d’un espace fictionnel de communication et de représentation destiné à pallier l’absence d’un espace réel ». Cet « espace fictionnel » aura pour caractéristique essentiel d’être ludique, c’est-à-dire une activité « dans laquelle une situation non conventionnelle (ludique mais présente) dont la validité repose sur les règles du jeu qui en définissent les limites de fonctionnement et les modalités ». Le jeu en effet est "propice à toutes sortes d’investissements imaginaires du réel. Par là même il détermine un rapport désirant de l’enfant qui crée une structure d’émotion indispensable au bon déroulement de l’activité. Dans le même temps, le caractère fictionnel de la situation permet d’en sortir à tout moment. Ainsi peut-on arrêter une activité devenue trop difficile ou source de blocage, d’échec et d’angoisse.
Dans ses aspects linguistique et énonciatif, fortement inspiré de Bakhtine, le modèle de Bernard Mallet, qu’on peut qualifier de fictionnel et ludique, accorde une grande place à la discursivité enfantine et par conséquent au texte sous toutes ses formes : dialogue certes, mais aussi récits imaginaires ou merveilleux, aptes à solliciter l’imaginaire de l’enfant. un accent particulier est mis sur le passage de l’oral à l’écrit en amenant tout d’abord l’enfant à maîtriser les oppositions phonématiques puis à les lui faire visualiser grâce à l’utilisation de l’API par l’enseignant.
Enfin le modèle insiste sur les rapports que le système linguistique entretient avec les activités non linguistiques, et en particulier la musique, la danse, le dessin, qui permettent, chacun à leur manière, de mettre en forme le réel et de le sémiotiser.
Lire la suite dans « Cours de didactique du français langue étrangère et seconde », ouvrage de Jean-Pierre Cuq et d’Isabelle Gruca paru aux PUG en 2002.
L’éveil au langage
(Extrait)
« Une alternative est aujourd’hui possible entre l’enseignement précoce d’une langue étrangère et une autre option, appelée éveil au langage.Le principe fondamental de l’éveil au langage est la prioritée accordée au curriculum langagier sur les syllabus des langues particulières, c’est-à-dire un décloisonnement des enseignements de la langue maternelle et des langues étrangères. L’analyse constrative est remise à l’honneur, non pas dans la perspective de la »pédagogie de la faute", mais dans la perspective cognitive d’une décentration linguistique et culturelle, c’est-à-dire d’une prise de conscience des différences et des ressemblances entre les systèmes comparés. Pour Louise Dabène, les activités d’éveil au langage doivent entre autres permettre à l’enfant d’éveiller sa conscience métalinguistique, de prendre conscience de l’arbitraire des langues et des cultures par la décentration et la distanciation. les activités prvilégiées sont le repérage par l’enfant des faits langagiers et communicatifs de tous types (animaux,bébés, gestuels, etc...), l’observation du fonctionnement de sa propre langue, la comparaison avec d’autres langues éventuellement présentes dans la classe, tant du point de vue graphique que du point de vue oral. Une grande importance est accordée au développement d’attitudes positives à l’égard de comportements culturels différents. enfin, une place importante est accordée à la dimension affective, à la curiosité, au plaisir et à l’émotion.
Depuis 1997, un programme européen interuniversitaire, inspiré des principes de l’éveil au langage, coordonné par Michel Candelier, et nommé Evlang est en cours d’expérimentation. Nous en évoquerons très rapidement le premier module, qui est en fait le seul obligatoire de la série proposée parce qu’il lui sert d’introduction. Ce module de découverte est intitulé « de la langue de l’enfant aux langues du monde ». L’objectif est de faire émerger chez les enfants les représentations qu’ils se font de diverses langues avec lesquelles on va les mettre en contact, soit, outre celles que sauront citer spontanément les élèves : l’allemand, l’anglais, l’arabe, le basque, le berbère, le catalan, le chinois, l’espagnol, le gallois, le grec, le luxembourgeois, le polonais, le portugais du Brésil, le russe, le tchèque. Mais il a aussi pour objectif de valoriser les autres langues et de favoriser l’intérêt de l’enfant à leur égard, d’apporter certaines connaissances sur ces langues, leur situation et les peuples qui les parlent, de repérer des indices qui permettent de les reconnaître, et de permettre à l’enfant de se décentrer par rapport à la langue de l’école et à la langue officielle de son pays. Pour cela, en cinq séances plus une séance préliminaire, les enfants seront amenés, individuellement et en groupe, au moyen de supports et d’activités très diversifiés, à établir leur biographie langagière, à mettre en place un journal d’expression libre sur ce qu’ils apprennent au cours des séances, à identifier auditivement des langues qui leur sont plus ou moins familières, à mettre en relation quelques langues du monde et les pays où elles sont parlées.« Lire la suite dans »Cours de didactique du français langue étrangère et seconde", ouvrage de Jean-Pierre Cuq et d’Isabelle Gruca paru aux PUG en 2002.
Paru en 2003 : L’éveil au langues à l’école primaire : bilan d’une innovation européenne, ouvrage de Michel Candelier, De Boeck Université.
Bibliographie
– ALLES-JARDEL M., « Fondements psychologiques de l’acquisition précoce d’une langue étrangère », Lidil, 4, 1991, p.49-77.
– HAWKINS H.W., Modern language in the curriculum, 1981, Cambridge, University Press.
– COHEN R., « Apprendre le plus jeune possible » et DABENE L., « Enseignement précoce d’une langue ou éveil au langage ? » dans GARABEDIAN M., WEISS F., Enseignements/apprentissages précoces des langues, Le Français dans le Monde, numéro spécial, août-septembre, 1991, p.48 et p.57.
– MALLET Bernard, 1991, « Babel à l’école. Problématique de l’apprentissage précoce d’une langue étrangère », dans Lidil n°4, pp.11-48.
Spécial FLE
– ALLES-JARDEL Monique, MALLET Bernard, 1991, Enseigner le français langue étrangère à l’école primaire et maternelle, PUG.
– CALAQUE Elisabeth, 1997, L’enseignement précoce du français langue étrangère, bilan et perspectives, Laboratoire Lidilem.
Lectures en ligne
– ARMAND, Françoise. L’élève allophone et le texte documentaire. Education et francophonie, La littérature de jeunesse, Volume XXIV, numéro 1 et 2, printemps et automne 1996, p. 71.
« Après avoir défini le public des élèves allophones et décrit les différentes facettes de la compétence langagière qu’ils doivent développer dans la langue seconde, cet article précise le rôle majeur du texte documentaire en fonction de la spécificité de ces apprenantes et de ces apprenants. Ce rôle consiste, d’une part, à faciliter l’acquisition de connaissances structurées sur la langue et sur le monde et, d’autre part, à familiariser les élèves à la culture de l’écrit ou « littératie » du pays d’accueil. Dans le cas des élèves allophones, les enjeux sont multiples en raison des différences culturelles, géographiques et sociale du pays d’origine et celles du pays d’accueil ainsi qu’en fonction du type de « littératie » qu’ils ont développé dans leur langue maternelle. »
http://www.acelf.ca/revue/XXIV12/articles/armand2.html
– « Pour un apprentissage précoce des langues », article de Dominique Groux, publié en novembre 2003, dans le numéro 330 du Français dans Le Monde.
– Eveil aux langues :
Les activités Evlang : tâches, objectifs, domaines.
. Sur Eduscol, Les démarches d’éveil à la diversité linguistique et culturelle dans l’enseignement primaire.
.Une autre voie pour les langues à l’école primaire : faire de la diversité un instrument d’éducation, article de Michel Candelier , Le Monde, 15 septembre 2001.
. Comment mettre en place les premiers jalons d’une éducation pluriligue dès le début de la scolarité ?, texte de Martine Kervran.
– Ressources bibliographiques et sites web référencés par Michel Candelier.
– Bibliographie du CIEP.
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