La présidence de l’université de Bourgogne a décidé, sans consultation des enseignants, de fermer à la prochaine rentrée le master MEEF d’italien, puis la licence de la même discipline (italien LLCER).
Au-delà des conséquences que pourrait avoir cette fermeture sur l’enseignement de l’italien dans l’académie de Dijon, la question posée par les enseignants du département d’italien dans leur lettre au président de l’université de Bourgogne, « Quelle université avons-nous ? » est légitime et… angoissante. En voici un extrait :
« L’Italie, où chaque palais plein de chefs-d’œuvre, est un chef-d’œuvre lui-même (...) est pour nous tous la patrie sacrée que l’on aime parce qu’elle nous montre et nous prouve l’effort, la grandeur, la puissance et le triomphe de l’intelligence créatrice, écrivait Guy de Maupassant (Le bonheur, dans Contes du jour et de la nuit, 1885). Tout cela est du passé. De cette poussiéreuse « intelligence créatrice », le Président de l’Université de Bourgogne, comme nombre de ses homologues et de responsables politiques, n’a plus que faire. Il promeut l’excellence format i-site, PIA3, s’enorgueillit des labels promus par la propagande ministérielle comme de la présence de finalistes dijonnais au concours « Ma thèse en 180 secondes ». Il rêve, c’est plus que probable, d’une Bourgogne façon Silicon Valley, parsemée de start-up qui peuplent le monde d’ivresse concurrentielle et de gadgets susceptibles d’ouvrir de nouvelles parts de marché, à défaut d’apporter un quelconque bénéfice significatif aux êtres humains en dehors, cela va sans dire, des sacro-saints bénéfices des actionnaires. Tous ces décideurs qui s’improvisent épistémologues pour mieux servir l’idéologie de « l’économie de la connaissance », et les oligarchies au pouvoir ont décrété ouverte la chasse au « passé » dans l’Université. Et le « passé » à bannir ne cesse de s’élargir à leurs yeux, si bien que l’appellation d’Université des études, qui indiquait l’ambition de fournir une légalité scientifique à toutes les formes du savoir qui font l’immense patrimoine de la connaissance humaine, paraît désormais inepte là où seules ont droit de cité les formations « excellentes », c’est-à-dire rentables aux yeux de l’oligarchie qui s’y reconnaît. On en vient donc à construire, à partir du réductionnisme positiviste qui condamne depuis longtemps déjà les « sciences molles » à un rôle subalterne, un réductionnisme californien, qui fait désormais coïncider la science avec la capacité d’innovation technologique à but uniquement lucratif, le savoir avec la production de profits économiques à court terme. A ce titre, l’Italien peut effectivement figurer comme le champion de l’inutilité, et tel il apparaît sans doute aux capitaines de la nouvelle industrie universitaire. Mais qui peut vraiment vouloir de cette humanité des oligarchies économiques, monstrueusement réduite au présent sans alternative ?
Sans cette idéologie, fermer l’italien à l’Université de Bourgogne n’aurait pas grand sens, y compris sur le plan économique : aucune véritable économie ne sera réalisée dans les dix ans qui viennent si les enseignants titulaires d’Italien ne peuvent être réaffectés. Sans cette idéologie, l’Italien ne se retrouverait pas dans la crise d’effectifs qu’il connaît : les jeunes se détournent des matières littéraires parce que le pouvoir s’en détourne. »
Lire la lettre des enseignants d’italien de l’université de Bourgogne :
Lire la lettre de soutien du GALET (Groupement des Associations de Langues et d’ÉTudes étrangères) :
Lire le message de soutien de la 14e section du CNU :
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