Avec une grande maladresse, en cette période où les employés du service public font preuve d’un dévouement et d’un civisme exemplaires, le premier ministre publie au Journal Officiel du 5 avril 2020 le décret imposant aux candidats au BTS, à partir de la session 2022 de l’examen, la certification de leur niveau d’anglais par des officines privées.
Ce décret « subordonne la délivrance du brevet de technicien supérieur à la passation d’une certification en langue anglaise délivrée par un organisme extérieur aux établissements de formation et reconnue au niveau international ».
Subordonner la délivrance d’un diplôme à la certification d’un compétence par une entité extérieure signifie ici confier une tâche d’évaluation d’un niveau d’acquisition d’une discipline scolaire à un organisme à but lucratif, ce qui, aux risques d’inégalités et d’injustice à l’égard de certains candidats, rajoute l’emploi scandaleux des deniers publics pour enrichir des organismes privés alors même que le service public dispose de la compétence requise pour mener à bien la tâche d’évaluation que le gouvernement fait le choix d’externaliser. Les professeurs d’anglais de l’enseignement public évaluent depuis longtemps les élèves au moyen du CECRL. Ils seraient donc à même de certifier le niveau atteint dans les différentes activités langagières par leurs étudiants de BTS, et ils le feraient dans le cadre de programmes, d’activités et de situations de communication proches des utilisations de la langue en contexte naturel et non en fonction de tests fabriqués pour être corrigés rapidement et faisant une large part à des QCM grammaticaux et à des jeux de rôles simplistes. De ce fait, non seulement le premier ministre dilapide l’argent de l’Etat et marque son mépris pour le service public, mais il sape aussi l’enseignement des langues au lycée en mettant en question la pédagogie actionnelle adossée au CECRL qui y est pratiquée aujourd’hui.
De plus, les tests de compétence en anglais (IELTS, TOEFL, TOEIC) étant valables deux ans à partir de leur date d’obtention, ils présentent un intérêt extrêmement réduit pour les étudiants qui envisagent une poursuite d’études au-delà du BTS. Obliger ces étudiants-là à bachoter pour réussir une certification qui ne leur servira à rien paraît être une exigence gouvernementale dépourvue de sens.
L’APLV s’insurge enfin contre le fait que seule la vérification des compétences en anglais soit envisagée. Lorsque le premier ministre avait fait part de son intention le 23 février 2018, l’association avait réagi par un communiqué (https://www.aplv-languesmodernes.org/spip.php?article6933) où il était rappelé que l’idée que « l’anglais suffit pour commercer à l’international est une conception erronée ». La France ne fait pas du commerce uniquement avec des pays où l’anglais est largement utilisé, et il est particulièrement grave que l’Etat ne valorise pas les compétences des jeunes Français dans les langues de partenaires économiques majeurs européens, ou dans les langues maternelles ou familiales des étudiants que leur compétence propre rend remarquablement employables dans les entreprises qui se développent à l’international.