En meeting le 7 mars à Poissy, le candidat Emmanuel Macron a détaillé ce qu’il appelle son « chantier pour l’école ».
Lors de ce meeting, en grande partie consacré à l’éducation, Emmanuel Macron a fait, campagne électorale oblige, un travail d’équilibrisme entre ce qu’il nomme une « notion cardinale » ou « la base », c’est-à-dire les savoirs fondamentaux (« lire, écrire, compter, se comporter (sic) »), et toute une série d’autres domaines du savoir, que l’école devra défendre et développer, le sport, l’éducation artistique et culturelle, l’orientation et « la formation pour aller vers le numérique ».
Dans le discours de campagne d’Emmanuel Macron, ce dernier élément, « la formation pour aller vers le numérique », est appelé « le code », c’est-à-dire l’apprentissage des rudiments de la programmation. Ce « code », enseigné pour « rendre la vie meilleure » et « bâtir un cadre éthique », serait choisi par certains collégiens en classe de 5e, à « l’équivalent de la deuxième langue étrangère ». Et le président-candidat d’ajouter « On apprend une première langue étrangère, on apprend une deuxième langue étrangère, il faut pouvoir aussi offrir dans le panel des savoirs dès la 5e la possibilité d’apprendre le code pour ceux et celles qui le voudront ».
Si l’on comprend bien, en fin de 6e, c’est-à-dire à 11 ou 12 ans, les collégiens choisiraient d’étudier soit une deuxième langue soit la programmation. Quel peut bien être le sens de priver certains collégiens de l’accès à la LV2 (qui d’ailleurs, rappelons-le modestement au candidat, n’est pas toujours étrangère, puisqu’elle peut être maternelle, familiale ou régionale), donc de l’accès au lycée, parce que c’est bien de cela qu’il s’agit, dans la mesure où le tronc commun du lycée général et technologique comprend deux langues vivantes ? Le candidat Macron reproche à l’école trop de déterminisme, mais propose un parcours à deux vitesses, deux langues vivantes et le lycée général et technologique pour les meilleurs, une seule langue vivante et le « code », puis le lycée professionnel, où il faut « donner plus de place à l’entreprise », pour les moins bons. Ceux dont les parents n’ont pas, comme le dit Emmanuel Macron, « les réseaux » ou ceux que la demi-heure de sport quotidienne n’aura pas réussi à rendre « tout de suite plus calmes (sic) », vraisemblablement.
Sur le collège, le discours d’Emmanuel Macron reprend (ou précède ?) celui qu’une dizaine de députés LRM ont développé récemment (21 février) dans Le Monde, où sont prônées « l’acquisition d’une culture manuelle pour tous » et « la création d’internats en collège […] dans lesquels les enfants issus de familles monoparentales seraient prioritaires ».
L’APLV ne peut accepter la proposition du candidat Emmanuel Macron de rendre facultatif l’apprentissage de la deuxième langue vivante. Parce que c’est tout le contraire de ce qu’il faut faire. Le citoyen éclairé de 2022 doit pouvoir accéder aux langues vivantes d’abord pour comprendre ce qu’est l’altérité et donc apprendre le respect des différences linguistiques et culturelles, base véritable de la laïcité, car les cours théoriques sur les valeurs de la République n’ont aucun sens sans pratique quotidienne, ensuite pour pouvoir dialoguer, commercer, voyager, se cultiver. Croire et dire qu’une seule langue vivante obligatoire (et on sait bien que ce sera presque toujours l’anglais) suffit dans notre monde, c’est faire le choix d’appauvrir la culture des jeunes générations, d’appauvrir les capacités économiques du pays, d’appauvrir les plus défavorisés des Français.
La Commission européenne rappelle ces faits de manière très claire dans son texte « A propos de la politique du multilinguisme » :
« Les langues unissent les citoyens, rendent les autres pays et leurs cultures accessibles et renforcent la compréhension interculturelle. Les compétences en langues étrangères jouent un rôle essentiel dans l’amélioration de l’employabilité et de la mobilité. Le multilinguisme améliore également la compétitivité de l’économie de l’UE.
Des compétences linguistiques insuffisantes peuvent faire perdre des contrats internationaux aux entreprises et entraver la mobilité des compétences et des talents. Or, trop d’Européens quittent encore l’école sans une connaissance pratique d’une deuxième langue. C’est pourquoi l’UE a fait de l’amélioration de l’enseignement et de l’apprentissage des langues une priorité. […]
La Commission européenne coopère avec les gouvernements nationaux pour atteindre un objectif ambitieux : faire en sorte que tous les citoyens apprennent au moins deux langues étrangères. »
L’APLV a envoyé à Emmanuel Macron, comme aux autres candidats à l’élection présidentielle, un questionnaire sur leurs projets pour l’enseignement des langues vivantes. Nous souhaitons qu’à sa lecture, le candidat prenne conscience que l’enjeu immédiat pour les années à venir est l’amélioration des conditions d’apprentissage et d’enseignement des langues, de toutes les langues, notamment par un recrutement de professeurs en nombre suffisant et dans des langues diverses.