Réussir l’épreuve écrite disciplinaire appliquée (CAPES d’anglais session 2023) – sous la direction de Pascal Bouvet – Ed. Belin, 2022 – 29,00€
L’équipe de préparateurs au CAPES d’anglais, formateurs, enseignants-chercheurs, professeurs de collège et de lycée, réunie autour de Pascal Bouvet propose un travail dense et impressionnant de plus de 500 pages sur la nouvelle épreuve du CAPES, dite « épreuve écrite disciplinaire appliquée », ou EEDA.
Cette épreuve est un habit d’Arlequin mal fagoté, qui mélange toutes les composantes de l’anglistique, sauf la traduction, et prend la forme d’une pseudo mise en œuvre didactique de supports divers. On y demande aux candidats à la fois de faire étalage de leur savoir et d’inventer, à partir des documents fournis et d’une question de linguistique, une préparation de cours fictive, qui ne soit pas pour autant une fiction de cours (Faut-il comprendre que le candidat a le droit d’annoncer « Je consacrerai une séance à l’étude de ce support » mais pas celui de dire « Je consacrerai 20 minutes à l’étude de ce support » ?). Ajoutons à cela que, format de l’épreuve oblige, le candidat n’a que des supports écrits ou iconographiques et qu’on lui demande parfois d’intégrer un fait de langue qui est du ressort de la phonologie, et on comprendra aisément à quel point l’EEDA est une épreuve artificielle. Un tel porridge conceptuel, que seule la technocratie gestionnaire pouvait imaginer, doit sans doute effrayer bien des candidats au CAPES.
Pour les aider et les préparer du mieux possible, l’ouvrage « Réussir l’épreuve écrite disciplinaire appliquée » vient à point nommé. Pascal Bouvet et son équipe proposent avec concision mais pertinence tous les instruments dont les candidats auront besoin pour préparer l’épreuve d’EEDA, soit de manière autonome, soit en complément de leurs cours.
Le guide est divisé en trois parties. La première, « J’identifie mes besoins et mes objectifs », établit en 20 pages la liste des incontournables pour réussir l’épreuve. Souvent présentées sous forme de tableaux, les rubriques permettent aux candidats d’évaluer où ils en sont de leur préparation et ce qu’il leur reste à acquérir ou à maîtriser avant le concours, en termes de savoirs comme de compétences. Il s’agit d’un instrument de travail auquel il est bon de se référer avec régularité de façon à optimiser le temps de préparation et prendre conscience des lacunes à combler en priorité.
La deuxième partie, « Je me forme », reprend, domaine par domaine, les notions ou catégories fondamentales à travailler : civilisation, didactique, iconographie, linguistique, littérature, phonologie. Les auteurs de l’ouvrage sont parvenus, dans chacun des domaines, à identifier le plus important et/ou le plus urgent à acquérir, en faisant l’impasse sur ce qui est moins problématique ou a moins de chance d’être proposé au concours. Par exemple, dans le domaine linguistique, une étude statistique des questions posées dans les concours précédents permet aux auteurs de ne se concentrer que sur une quinzaine de domaines, laissant de côté, par exemple, la construction N’S + N ou la ponctuation. De même, en matière de didactique, la vérification de la compréhension ne fera l’objet que d’une fiche, sans détail des procédures possibles.
La troisième et dernière partie, « Je m’entraine », propose cinq sujets traités intégralement, avec une maestria remarquable, par les auteurs. Quand on sait à quel point il est difficile pour des spécialistes de se mettre au niveau d’apprenants inexpérimentés, les auteurs ont ici procédé avec humilité et rigueur, et les cinq sujets proposés aux futurs candidats leur permettront tout à fait de se rendre compte de ce que le jury attend d’eux.
L’auteur de ces lignes, qui n’est ni préparateur, ni membre du jury, ne peut pas porter de jugement sur le fond, mais le parti pris des auteurs de soumission au nouvel ordre moral, où toute analyse se réduit à peu près au « four legs good, two legs bad » d’Animal Farm, l’a profondément inquiété. Si le souci de mettre en évidence dans les supports didactiques la domination de certains groupes genrés, sexués, raciaux, est louable, « soul[ever] le problème des artistes et/ou intellectuels et intellectuelles blancs et blanches cherchant à parler des sujets subalternes minorés et parlant finalement à la place de ces sujets » ne peut pas être le seul critère de choix des supports et le fil directeur des appareils didactiques proposés. Est-ce que cette vision capitaliste éveillée est la doxa que le jury veut entendre (comme, à une époque, seuls les textes littéraires déconstruits et les grilles de lecture postmodernes avaient droit de cité au CAPES d’anglais) ou le choix de politique éditoriale des auteurs du guide ?
En tout cas, on ne peut que s’inquiéter de l’arrivée au CAPES et, partant, dans nos classes d’une forme d’intégrisme de la pensée, qui amènerait à appliquer et à faire appliquer des grilles de lecture uniques et simplificatrices. Si un écrivain ou un artiste masculin, blanc et d’origine européenne évoquant l’Australie, ne mentionne pas les peuples aborigènes, c’est qu’il est raciste, s’il les mentionne, c’est qu’il parle à leur place et donc, par ce geste, les invisibilise. Si une écrivaine noire née en Afrique s’exprime sur la société américaine, sa parole est immédiatement validée, quand bien même ses productions littéraires seraient superficielles et sa soumission au consumérisme dominant, y compris éditorial, absolue. Si l’auteur est un « homme blanc hétérosexuel issu de la classe moyenne ou supérieure » d’un pays du Nord, « son projet est fortement limité par son échec à reconnaître la légitimité des revendications des Afro-Américaines et des femmes homosexuelles ».
Espérons que les étudiants au CAPES d’anglais sauront s’appuyer sur les multiples qualités du guide « Réussir l’épreuve écrite disciplinaire appliquée » tout en faisant preuve de bon sens dans leurs analyses des cultures anglo-saxonnes et de l’enseignement de l’anglais.