Il aura suffit d’une « taxe de trop » pour qu’un mouvement inédit, lancé sur les réseaux sociaux, naisse et se développe à la vitesse d’un incendie. En France, de novembre à mai 2019, les « gilets jaunes » ne se sont pas contentés de bloquer routes et ronds-points. Plusieurs samedis de suite, on a vu à Paris et dans des villes de moyenne importance une logique violente à l’œuvre, où il s’agissait de « tout casser pour se faire entendre ». Sous l’œil médusé des médias européens, la France semblait rejouer la révolution. Pendant des mois, chaque samedi, des milliers de personnes se sont rassemblées et ont manifesté. Trop longtemps invisible, inaudible, la « France périphérique », la « France des ronds-points » - ou tout simplement la France populaire – est enfin réapparue dans le champ de l’attention publique.
En Allemagne, une forte culture de la négociation est longtemps parvenue à limiter les confrontations entre classes et groupes sociaux. Les interrogations sur les inégalités, les problèmes sociaux et économiques n’en sont pas moins profonds outre-Rhin. En 2017, 19,2% de la population allemande était menacée par la pauvreté, plus de 20% des enfants sont pauvres, et lors des derniers débats électoraux, tous les partis politiques ou presque étaient à ce point conscients du caractère problématique des réformes Hartz datant de 2005 que tous voulaient les réformer. Plus grave : trente ans après, les tensions s’aggravent, notamment dans l’est du pays, entre « perdants » et « gagnants » de la réunification, et la crise des migrants de 2015 n’est pas la seule responsable d’une poussée de xénophobie. Les mouvements PEGIDA et les succès du parti AfD sont la preuve qu’en Allemagne aussi, les inégalités sociales sont à l’origine de tensions qui peuvent déboucher sur des affrontements entre groupes.
Notre journée d’études interrogera les mouvements sociaux actuels en France et en Allemagne et leurs ressorts, en observant notamment le succès inédit que l’ouvrage (entre témoignage et enquête) du Français Didier Eribon, Retour à Reims, rencontre en Allemagne depuis sa traduction en 2016. Notre manifestation est en effet organisée à l’occasion de la venue au Théâtre National de la Criée de Thomas Ostermeier et de sa mise en scène de la pièce tirée de l’ouvrage de D. Eribon. Le documentaire de Charly Hübner et Sebastian Schultz, Wildes Herz, sorti en salle en Allemagne en avril 2018, un portrait du leader du groupe punk engagé contre les néonazis, montre quant à lui comment agir contre les extrêmes, et nous aidera à porter le regard sur les tensions qui parcourent en ce moment la société allemande.
Maison de la Recherche
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