Le MEN vient de publier les résultats des évaluations CEDRE (cycle d’évaluations disciplinaires réalisées sur échantillon) en langues vivantes. Ces évaluations qui ont lieu tous les six ans permettent d’évaluer les acquis des élèves en termes de connaissances et de compétences sur une discipline donnée et d’autre part permettre le calcul des évolutions de ces acquis à travers le temps.
La première évaluation en langues vivantes a eu lieu en 2004 ; la deuxième en 2010. Cette dernière, qui initie un nouveau cycle en reprenant en partie des situations de l’évaluation de 2004, permet de mesurer l’évolution des performances des élèves.
Les élèves sont évalués sur trois activités langagières : compréhension de l’oral, compréhension de l’écrit et expression écrite.
En primaire les langues évaluées sont l’anglais et l’allemand et en secondaire l’anglais l’allemand et l’espagnol.
L’APLV publie aujourd’hui une analyse du dossier sur L’évolution des compétences en anglais et en allemand des élèves en fin d’école qui peut être téléchargé sur le site du MEN.
La Direction de l’Évaluation, de la Prospective et de la Performance du ministère a publié, en décembre 2013, les résultats de l’étude réalisée en 2010 dans le cadre du CEDRE (Cycle d’Évaluations Disciplinaires Réalisées sur Échantillons) sur l’apprentissage de l’allemand et de l’anglais à l’école élémentaire. Cette enquête concerne des échantillons importants d’élèves de CM2 et porte sur les trois activités langagières les moins difficiles à évaluer de manière massive, la compréhension de l’oral, la compréhension de l’écrit et l’expression écrite.
Pour assurer la fiabilité des résultats, un nombre non négligeable d’items a été repris de l’enquête précédente, réalisée en 2004, tout au moins pour les activités de compréhension. L’expression écrite n’avait fait en 2004 qu’une ébauche d’évaluation, ce qui signifie que toute analyse de l’évolution des performances des élèves dans cette activité langagière se révèle impossible. Mais la fiabilité de l’enquête de 2010 semble également scientifiquement discutable, d’abord à cause du nombre très élevé de non-réponses (plus d’un tiers dans certains cas), ensuite parce que les tests administrés aux écoliers ne constituent pas à proprement parler des activités d’expression écrite : entre autres, copies de mots (certains élèves français doivent pouvoir copier sans erreur des mots turcs ou vietnamiens, même si on ne leur enseigne pas ces langues) ou exercices grammaticaux structuraux, qui testent en fait la compréhension de l’écrit sous couvert d’évaluer l’expression écrite. On conclura donc volontiers avec les auteurs de l’enquête que l’expression écrite est assez peu enseignée à l’école élémentaire et qu’en dire quoi que ce soit de fiable est hasardeux.
Dans les deux activités langagières de compréhension, l’analyse statistique des résultats montre que le score moyen augmente de manière souvent significative, ce qui est une bonne nouvelle. En réalité, ce score moyen est tiré vers le haut par la performance des élèves les plus à l’aise, qui s’accroît, puisqu’on observe par ailleurs une augmentation de la dispersion : l’écart entre les plus performants et les moins à l’aise s’accroît aussi.
Sans grande surprise, on repère que les écoliers en retard scolaire et ceux qui relèvent de l’éducation prioritaire progressent moins (déficit de 7 à 17% selon les langues et les activités), ou que les enfants des Professions et Catégories Sociales supérieures progressent davantage que les autres. Les facteurs de l’amélioration sensible des résultats mis en lumière par l’enquête n’étonneront non plus personne : précocité de l’apprentissage (donc allongement de celui-ci), horaire hebdomadaire d’exposition à la langue, motivation personnelle, voyages dans des pays anglophones ou germanophones. On peut donc conclure que l’apprentissage des langues vivantes n’échappe pas à ce que révèle l’enquête PISA : l’école française aide à progresser les élèves les mieux adaptés au système scolaire, et est beaucoup moins performante dans le cas des élèves moins favorisés.
Par ailleurs, l’enquête montre une grande similarité des résultats entre l’allemand et l’anglais. Quelle que soit la langue étudiée à l‘école élémentaire, l’apprentissage est favorisé ou empêché par le même type de facteurs sociaux, psychosociaux ou pédagogiques, mais il se confirme que le débat sur la difficulté de l’allemand par rapport à l’anglais est – nous le savons bien à l’APLV – un faux débat. Par contre, il y a tout lieu de s’inquiéter de deux statistiques :
– En 2010, 89% des écoliers apprennent l’anglais, 9% l’allemand, ce qui laisse à l’ensemble des autres langues 2% seulement (alors même que la proportion de professeurs des écoles issus de l’immigration et/ou bilingues dans d’autres langues que l’allemand et l’anglais doit être bien supérieure à 2%) ;
– En 2004, il y avait encore 15% des écoliers français qui étudiaient l’allemand. Si cette baisse d’un point de pourcentage par an continue, en 2020, l’anglais sera la seule langue étrangère enseignée à l’école élémentaire.
Logiquement, l’enseignement des langues vivantes à l’école élémentaire est de plus en plus souvent confié aux professeurs des écoles (75% des cas en moyenne, contre moins de 50% en 2004). L’enquête CEDRE révèle à propos de ces professeurs du premier degré quelques surprises : ils utilisent très peu les CD et DVD propres à l’enseignement de leur langue (moins de 4%), les logiciels éducatifs (moins de 11%), Internet (moins de 19%). La pratique pédagogique privilégiée est ce qui est nommé par l’enquête une progression personnelle (plus de 80%). Cela est déjà étonnant au regard des pratiques des enseignants du secondaire, mais devient inquiétant quand on se rend compte que les professeurs de premier cycle qui lisent ou voient des films dans la langue qu’ils enseignent ne sont pas majoritaires et que 85% d’entre eux déclarent ne pas avoir fait de séjour en pays anglophone ou germanophone dans les dix dernières années. Même si on peut comprendre l’intérêt pédagogique qu’il y a à faire assurer l’enseignement des langues vivantes étrangères par le professeur de la classe ou un autre professeur de la même école, on ne peut que déplorer que les enseignants de premier cycle soient si peu exposés à la langue qu’ils enseignent et que, conscients de cela, ils n’utilisent pas davantage les supports didactiques disponibles. L’enquête CEDRE montre à quel point les revendications de l’APLV sur la formation en langue des professeurs des écoles et la certification de leurs compétences dans les concours de recrutement sont des revendications importantes et urgentes.