C’est avec une très grande tristesse que nous avons appris la disparition de François Monnanteuil survenue mardi 15 décembre 2020, à l’âge de 69 ans. François Monnanteuil était inspecteur général honoraire de l’Education Nationale et président d’honneur de l’APLV.
Né en 1951 à Caen (Calvados), François Monnanteuil fit ses études de Lettres Supérieures aux lycées Louis-le-Grand et Henri IV, il poursuivit ses études d’anglais à l’Université de Paris IV. Titulaire d’une maîtrise, auteur d’une thèse consacrée à Thomas Jefferson, il obtint le CAPES en 1973 et l’agrégation l’année suivante. Il débuta sa carrière au lycée technique d’Aulnay-sous-Bois et fut ensuite affecté en classe préparatoire au lycée international François I de Fontainebleau en 1986. Il obtint en 1990 un poste en classe de lettres supérieures et de première supérieure au Lycée Molière de Paris. En 1997, il fut nommé inspecteur général au groupe des langues vivantes dont il devint doyen en 2000. Il avait pris sa retraite en 2016.
Il était chevalier dans l’ordre des Palmes Académiques, dans l’ordre du Mérite National et dans l’ordre de la Légion d’Honneur.
Sa passion pour son métier de professeur d’anglais, son intérêt pour la réflexion sur les pratiques éducatives et son attachement profond au service public l’amenèrent naturellement à l’APLV dont il devint d’abord secrétaire général, puis président de 1987 à 1994 et enfin président d’honneur. Convaincu de l’importance du rôle singulier des associations de spécialistes, doué d’un sens aigu de la diplomatie, d’une extrême courtoisie et d’une grande humanité, François Monnanteuil fut un président efficace, respecté et apprécié. Soucieux du respect des valeurs de l’association, il s’assurait que les représentants de toutes les langues, toutes les académies et de tous les lieux d’enseignement, du primaire à l’université, et de toutes les opinions puissent contribuer aux débats. Préférant convaincre que prescrire, il savait encourager les membres de l’association et accordait volontiers sa confiance à tous ceux qui souhaitaient s’investir, quel que soit leur lieu ou niveau d’exercice. Il appréciait particulièrement les AG et journées d’études organisées par les régionales de l’APLV qui lui permettaient de rencontrer des membres de terrain. Favorisant l’évolution de l’association, il avait notamment encouragé la création du Polyglotte, publié en alternance avec les Langues Modernes, pour garder un lien régulier avec les membres, avant l’arrivée d’internet et le remplacement de cette seconde revue par le site de l’APLV. Sa clairvoyance et sa capacité de synthèse lors des audiences avec les autorités éducatives forçaient l’admiration. Je me remémore particulièrement un vaste colloque organisé par le ministère au début des années 90 sur la refonte des programmes de seconde. Les représentants du ministère, des syndicats et des associations de spécialistes de toutes les matières enseignées au lycée y participaient. François Monnanteuil avait été sollicité pour animer la réunion plénière finale au cours de laquelle les rapporteurs de tous les groupes de travail se succédaient à la tribune pour présenter leurs conclusions et propositions. Il s’était alors livré à un incroyable exercice de maîtrise, sachant extraire de chaque intervention un mot ou une phrase clé dont il se servait pour faire avec un trait d’humour la transition avec l’intervenant suivant. Il contribua ainsi fortement à la réputation et à la représentativité de l’association.
François Monnanteuil n’envisagea jamais sa nouvelle carrière d’inspecteur général comme une rupture avec son métier d’enseignant ou ses responsabilités associatives. Pour lui, il s’agissait d’un prolongement logique de ceux-ci.
Certes, la fonction impliquait le fait d’inspecter, mais il le faisait avec bienveillance, dans un but de conseil et d’amélioration des pratiques, pas de sanction. C’était surtout pour lui l’occasion de découvrir des pratiques innovantes et de rencontrer des professeurs d’anglais passionnés. Il éprouvait une grande satisfaction lorsque les inspections étaient l’occasion d’assister aux cours de jeunes collègues à l’aube de carrières prometteuses. Il aimait les inspections ou visites dans des établissements parfois éloignés du périmètre d’action habituel de l’inspection générale : écoles primaires, lycées professionnels, techniques et agricoles. Même s’il considérait que sa maîtrise n’en était que partielle, il était fasciné par la technologie et la façon dont elle pouvait seconder les professeurs de langues. Il fut d’ailleurs en charge de cette question aux groupes des langues de l’IGEN.
Les candidats et membres des jurys de concours que sa fonction l’amena à présider sont nombreux à avoir été marqués par sa personnalité. Selon lui, les concours avaient certes pour vocation de vérifier que les candidats avaient une bonne formation académique, mais étaient surtout l’occasion de repérer chez eux des dispositions pour l’enseignement et les encourager dans cette voie. L’attention neutre et bienveillante de la part du jury était donc pour lui une règle absolue, et la constitution des binômes de correction et commissions d’oral, qui ne devait rien au hasard, en était une garantie. Il accordait une attention particulière à la rédaction des rapports de jurys et invitait les rédacteurs à tenir un discours positif et encourageant. Fidèle aux convictions qu’il avait forgées à l’APLV, il souhaitait aussi que le concours soit l’occasion de contribuer à l’épanouissement professionnel des membres du jury en leur permettent de confronter leurs expériences et apportait pour cela un soin méticuleux à sa composition. Toute la diversité des lieux d’enseignement devait être représentée, il ne devait pas y avoir de hiérarchie entre les différentes spécialités universitaires et toutes les cultures de langue anglaise devaient être considérées dans les sujets proposés comme dans le choix des enseignants natifs membres du jury. Il accompagnait aussi l’évolution des concours pour mieux refléter celle des cultures et des pratiques de classe. Ainsi, sous ses encouragements, des membres du jury n’hésitaient pas à consacrer de nombreuses heures à l’élaboration de solutions techniques pour proposer des documents audio ou vidéo aux candidats.
Ses convictions en matière de plurilinguisme et de transversalité des enseignements le conduisirent à accepter la fonction de doyen du groupe des langues de l’inspection générale. Là encore, toutes les langues devaient être prises en compte, quel qu’en fût le nombre d’apprenants. Le corps de l’inspection devait pour lui être un trait d’union entre les acteurs du monde éducatif. En tant que doyen, il a toujours cherché à faciliter la communication entre le ministère et les enseignants dont les représentantes naturelles étaient les associations de spécialistes, particulièrement l’APLV, association multilingue qui pouvait parler au nom de toutes les langues sur des questions telles que les programmes, les horaires, les examens et le développement ou la préservation de leur enseignement. Il invitait aussi régulièrement les associations de spécialistes à participer et intervenir lors des colloques organisés par l’inspection générale. Il encourageait aussi souvent ses collègues IGEN ou IPR-IA à lire les Langues Modernes ou consulter le site de l’APLV, persuadé qu’ils y trouveraient informations utiles et matière à réflexion.
Cette fonction fit de lui un témoin parfois enthousiaste, parfois amusé et parfois dubitatif du fonctionnement des lieux de pouvoir.
François Monnanteuil n’aimait guère l’apparence, les bavardages, les castes, le conservatisme et refusait l’idée que le savoir puisse être un instrument de pouvoir. Le savoir était fait pour être transmis et les enseignants en étaient les vecteurs. Sa nature discrète faisait qu’il manifestait rarement son enthousiasme de manière publique. Ceux qui le connaissaient bien savaient pourtant lire dans ses légers hochements de tête le plaisir qu’il éprouvait à l’écoute d’intervenants érudits sachant faire partager leur savoir avec conviction et simplicité. Il en était de même après la lecture d’articles, notamment des Langues Modernes, qu’il avait particulièrement appréciés. Par délicatesse, il ne félicitait pas l’orateur ou l’auteur de façon directe et publique mais préférait partager son enthousiasme avec des personnes choisies, sachant que celles-ci de manqueraient pas de rapporter ses compliments aux intéressés.
En privé, François Monnanteuil était attentif aux autres et s’informait toujours du devenir de ses interlocuteurs et de leurs proches. Sa mémoire était infaillible et il se remémorait toujours les détails que l’on partageait avec lui. Intéressé par de nombreux sujets, il appréciait particulièrement la géographie et se montrait sensible à l’évocation des paysages normands et bretons de son enfance, la mer, les îles, mais aussi les forêts vosgiennes où le travailleur infatigable qu’il était aimait à se ressourcer.
Après son départ en retraite, il demeurait un observateur attentif du monde éducatif et de la vie de l’APLV. Il faisait part à ses interlocuteurs récents de ses inquiétudes face aux évolutions actuelles de l’enseignement des langues. Il s’interrogeait aussi sur l’impact qu’aura le Brexit sur la perception de la culture britannique en France et sur l’avenir de la collaboration pédagogique entre la France et Royaume-Uni qu’il avait cherché à favoriser durant sa carrière d’IGEN.
Avec cette disparition, l’Education Nationale perd un professionnel au parcours et au dévouement exemplaire et l’APLV l’un de ses plus grands représentants dont nous saurons conserver la mémoire.
L’APLV présente à la famille de François Monnanteuil ses plus sincères condoléances.
Sylvestre Vanuxem