L’organisation des voyages et séjours à l’étranger demande une somme de travail considérable de la part des professeurs : les différents articles de ce numéro s’en font l’écho...
L’APLV est depuis longtemps consciente de ce problème et déjà, il y a plus de 25 ans, avait publié un numéro des Langues Modernes (N° 5-6, 1981) sur le thème du péri-scolaire. Le rapport sur les voyages et séjours scolaires à l’étranger qui présentait les articles faisait le point sur les buts et l’utilité des séjours, les organisations, les différents types de séjours, le rôle du ministère et des collectivités publiques.
Je voudrais ici reproduire les deux pages qu’écrivait alors notre collègue Pierre Lesage sur ce dernier point. Les lecteurs pourront se rendre compte que dans ce domaine, me semble-t-il, les choses n’ont guère changé.
« Il est hors de doute que l’organisation des voyages scolaires n’entre pas directement dans les attributions d’un professeur de langues, mais que, dans la mesure où il s’agit d’une activité para-éducative, utile à la formation des jeunes, il revient au Ministère de l’Éducation et à ses services, de faciliter la tâche des enseignants volontaires en
mettant à leur disposition les moyens nécessaires à la réalisation de cette œuvre péri scolaire, par exemple par un soutien administratif et financier, par une information sûre et une formation à des tâches particulières. Qu’en est-il exactement ?
Quand un collègue souhaitant prendre l’initiative d’un appariement, et avec l’appui de son Chef d’Établissement, écrit au Ministère, on ne lui répond même pas (exemple vécu). L’Office National des Universités et Écoles Françaises a été longtemps pour la France, l’organisme chargé officiellement des appariements. Or, dans une « Note » d’octobre 1974 sur les activités de l’Office, il n’est même plus fait mention
de l’organisation d’appariements. Le même Office avait pourtant publié (probablement en 1958, car il est fait état des travaux d’un groupe d’experts de l’Union d’Europe Occidentale qui s’est réuni à Paris en 1957), un opuscule sur « Appariements d’Écoles », sous l’égide du Ministère et sous la plume de l’Administrateur Civil Pierre Lacroix. Un formulaire de « Demande d’Appariement d’Ecoles », et un autre
pour une « Demande de Subvention pour un Appariement », y étaient annexés. Il existait donc, alors, une procédure à suivre et des possibilités de subvention.
Dans une circulaire du Ministère (Direction de la Coopération avec la Communauté et l’Etranger) en date du 22 février 1962, (Référence JG/RD n° 5598) adressée aux Recteurs, Inspecteurs d’Académie, etc, il était précisé que : « Comme les années antérieures, la date limite de l’envoi de demandes de subvention pour les voyages d’élèves à l’étranger dans le cadre d’appariements d’écoles, est fixée au 15 mai pour les déplacements effectués pendant les grandes vacances et un mois avant le déplacement prévu dans les autres cas »... Cette circulaire faisait suite à celle du 29.1.57 du Service Universitaire des Relations avec l’Étranger et l’Outre-Mer (devenu Direction de la Coopération avec la Communauté et l’Etranger), qui prévoyait déjà l’octroi de subventions pour l’organisation de voyages scolaires dans le cadre des
appariements d’écoles. Ces subventions ministérielles (non exclusives d’autres subventions, locales ou départementales) étaient donc, à cette époque, accordées pour des séjours effectués en période de vacances comme en période scolaire.
Évolution au cours des dernières années.
Dans la Circulaire n° 74-176 du 10 mai 1974 (BOEN n° 20 du 16.5.74), il est affirmé qu’« il convient de privilégier l’échange de type appariement associant, dans le cadre de la classe, élèves et professeurs, et réalisé durant l’année scolaire ». Des conditions supplémentaires assez strictes sont imposées : cet échange devra « obligatoirement concerner l’ensemble de la classe », l’encadrement devra être assuré par des
« professeurs français de diverses disciplines » de façon à permettre « la poursuite des activités scolaires » dans le cadre des programmes, il conviendra de présenter un projet pédagogique, le séjour se fera sur la base de l’échange familial, etc. Ce n’est qu’à ces conditions que le séjour pourra bénéficier d’une subvention ministérielle, sous forme « d’une indemnité forfaitaire journalière de Frs 4, par élève participant
à l’échange » et « d’une indemnité forfaitaire journalière de Frs 50, destinée aux professeurs volontaires ». Il est par ailleurs bien précisé aux établissements que « ...hors de la période scolaire, ils ne pourront toutefois prétendre à aucune subvention ni aide financière du Ministère de l’Education Nationale, même dans le cadre d’un appariement existant ».
Sous prétexte de « privilégier » l’échange en période scolaire, on exclut donc de toute subvention ministérielle les échanges en période de vacances, et on met tellement de conditions contraignantes aux échanges en période scolaire que rares sont les établissements qui peuvent en organiser. Il y a donc là, un recul considérable. De plus,
les séjours en période scolaire qui sont particulièrement intéressants parce que plus homogènes et pouvant faire l’objet d’un projet pédagogique de longue haleine, ne sont pas « privilégiés » par les contraintes imposées. Cela se fait cependant, ou s’est fait, à Cambrai (période de trois semaines), à Lille (dix jours), à Vendôme (en juin,
avec des stagiaires de CAPES), etc. mais reste rare.
L’institutionnalisation effective de ces « classes linguistiques », qui s’apparentent aux classes de neige ou aux classes vertes, mais intervenant dans l’enseignement secondaire, suppose en effet une modification du système scolaire. Il n’est donc
pas étonnant que le Ministère soit avare de chiffres. Dans la circulaire n°76-353 du 19.10.76 (BOEN n° 44 du 2.12.76), le chiffre de « 1500 appariements homologués » est avancé, mais cette homologation n’a aucun sens si on ne sait ce qu’elle recouvre : le nombre d’échanges réellement effectués, en période scolaire et en dehors,
le nombre d’élèves concernés... Cette circulaire abroge les précédentes (du 29.1.57 au 10.5.74), paraît-il, mais elle n’apporte rien, sinon quelques précisions :
– sur la manière de faire une demande d’appariement : au Ministère de l’Education, Service des Affaires Internationales (Bureau SAI-2). Un formulaire de demande est annexé à la circulaire.
– sur les conditions d’organisation et de fonctionnement des échanges en période scolaire (avec un léger chevauchement sur les vacances éventuellement, et la possibilité de constituer « des groupes homogènes » provenant de classes différentes »).
– sur les problèmes d’assurances, pour les élèves et les professeurs.
– sur la possibilité d’aides complémentaires, « une ou deux parts de bourse » pour les élèves boursiers, et même pour les non-boursiers.
Il apparaît donc que depuis 1957, il y a eu régression en ce qui concerne l’aide matérielle, financière et administrative apportéé par le Ministère aux appariements, et que la bonne volonté des professeurs désireux d’en animer un est souvent découragée par les difficultés qui se présentent. Et pourtant, la politique officielle du Ministère, telle qu’on la trouve définie dans les Circulaires du 10.5.74 et du 19.10.76, est
bien d’encourager les appariements et échanges d’élèves dans ce cadre, parce qu’ils sont « de nature à donner une nouvelle dimension à la pédagogie et à développer dans le même temps la solidarité internationale et une meilleure connaissance du monde dans lequel nous vivons » (Circulaire n° 74-176).
Il ne fait pas de doute que l’aide consentie par l’Etat n’est pas à la hauteur des ambitions proclamées, et il serait nécessaire de la rendre plus importante et plus efficace, surtout si l’on veut que les séjours à l’étranger ne soient pas réservés à quelques privilégiés de la fortune. Bien des formules de séjours à l’étranger existent, plus ou moins coûteuses (c’est le cas des appariements) si l’on veut que davantage d’enfants en bénéficient. Sans doute l’État n’est-il pas le seul à pouvoir aider les familles, et subventionner un appariement ; les Collectivités locales (Municipalités, Conseils Généraux et Régionaux,...) peuvent être sollicitées et leur aide est souvent considérable (nous l’avons vu pour les jumelages de villes).
L’État ne peut cependant se retrancher derrière ces quelques possibilités pour justifier sa propre carence. Dans un pays où la plus grande partie des recettes fiscales est massivement concentrée entre les mains de l’État, il est normal que ce soit de ce côté qu’on soit essentiellement amené à se tourner. Enfin, il n’est pas d’aide que
financière, et une aide technique et pratique pourrait être fournie qui, actuellement, fait défaut. Il y a même parfois une mauvaise volonté de la part de l’Administration.
Citons, à titre d’exemple, la décision du Recteur de Bordeaux d’autoriser des professeurs de cette Académie à faire, en cours d’année, un stage de l’Office Franco-Allemand de la Jeunesse destiné à former des organisateurs d’appariement, mais avec retenue sur leur traitement. »
C’était dans le numéro 5-6, 1981, des Langues Modernes.