Ces derniers mois auront été particulièrement tristes pour l’APLV puisque de vieux militants et amis - Maurice Antier, Marielle Deslandres, et Antoine Beck - nous ont quittés. Le départ de Martine Baruch est d’autant plus douloureux qu’il est prématuré : elle avait pris sa retraite depuis peu, fourmillait de projets dans tous les domaines, et puis il y a eu ce cancer sournois qui l’a emportée le 16 novembre 2008, malgré tout son courage, son optimisme face à la maladie, et son farouche désir de vivre.
Martine était d’abord un esprit curieux et passionné : de théâtre, de cinéma, de littérature, de musique, de voyages et de bien d’autres choses. À l’origine de son choix d’être professeur d’espagnol, il y a eu sans doute le coup de foudre pour une langue, ainsi que pour les pays où on la parle. Lors de ses études, elle avait vécu un an en Colombie puis avait parcouru de nombreux autres pays d’Amérique Latine, et allait fréquemment en Espagne. Son premier projet pour la retraite avait été un long voyage en Terre de Feu, en janvier et février 2007. Elle en rêvait depuis des années, mais la belle saison là-bas ne coïncide guère avec nos vacances scolaires de l’hémisphère nord.
Et puis il y avait aussi chez Martine la passion de transmettre ce qu’elle aimait, de partager. Qui de ses amis n’a pas, grâce à elle, découvert un nouveau film, une nouvelle pièce de théâtre, un nouveau livre, etc. Combien d’élèves ont dû se sentir enrichis intellectuellement par ce professeur qui savait élargir la routine du programme grâce à sa grande culture et à son habileté pour la mettre à la portée de son public. Elle faisait son métier à fond, s’investissant, suivant les années et les établissements – à Dunkerque, à Coulommiers, puis à Meaux - dans le club de théâtre, dans les échanges avec l’Espagne, dans le club tiers-monde, etc., souvent en compagnie de collègues de disciplines différentes, car Martine et quelques autres n’avaient pas attendu les instructions officielles pour découvrir l’interdisciplinarité, ou les projets d’établissement. C’est sans doute cet investissement dans son métier qui lui a fait demander pendant plusieurs années un détachement à mi-temps à l’INRP. Il s’agissait pour elle de se donner le temps de la réflexion afin d’être plus efficace face à des élèves du secondaire qu’elle n’a jamais voulu laisser. L’une d’elles, Stéphanie Raffaello, émue par le décès de son ancienne professeur, qu’elle a appris par hasard, a eu ces paroles touchantes : « Enseigner est le plus beau métier du monde, et elle l’a vraiment honoré. Je peux en témoigner. »
Martine, dès le début de sa carrière, a trouvé sa place à l’APLV où elle a été très active : membre puis présidente de la commission d’espagnol, et co-organisatrice à ce titre de plusieurs rencontres franco-espagnoles, élue de longue date au Comité national où elle a été très présente jusqu’à sa maladie, et Vice-Présidente jusqu’à sa retraite, car elle a voulu alors « laisser la place aux jeunes ». Dans l’association, comme dans sa vie personnelle et professionnelle, elle a été un modèle de discrétion efficace : elle ne se mettait jamais en avant, mais était toujours là au bon moment pour trouver l’idée intéressante et travailler à la réaliser, inviter un intervenant à une rencontre, écrire dans Les Langues Modernes l’article de terrain susceptible de nourrir la réflexion d’autres collègues et d’enrichir leurs pratiques.
Enfin, Martine était, pour tous ceux qui l’ont connue, une amie ouverte, généreuse et positive. Le débat démocratique au sein d’une association implique forcément des moments de tension, et elle savait alors prononcer la phrase qui réconcilie et permet de trouver un terrain d’entente. Elle savait écouter, comprendre, dialoguer et ramener la paix, ne cherchant jamais à imposer ses propres convictions. De même, elle était toujours là pour aider celui qui en avait besoin : le jeune collègue englué dans ses difficultés, l’étranger égaré, ou le voisin en détresse. Entre ceux qu’elle connaissait, elle s’efforçait de créer du lien, pour que le monde soit un peu moins égoïste et froid. Son appartement parisien était ouvert à qui avait besoin d’un logis dans la capitale, et les amis de ses amis étaient ses amis. Elle en a laissé de nombreux, aux quatre coins de la planète, avec lesquels elle a toujours su garder des contacts, malgré le temps et la distance. Martine est partie, c’est difficile de l’admettre, mais elle nous laisse un exemple et le souvenir d’une personne lumineuse, dont la présence et l’action ont enrichi l’APLV.
À sa sœur Colette et à ses neveux Stéphane et Karine, nous présentons nos sincères condoléances.
Roselyne Mogin-Martin
Université d’Angers