Le problème de l’apprentissage du vocabulaire n’est pas nouveau. Déjà en 1912 la revue publiait un article de M. Mégniar intitulé « Vocabulaire et Dictionnaire » (n° 9, septembre 1912) où l’auteur affirmait « augmenter le plus possible le vocabulaire actif des élèves, voilà le but de l’enseignement des langues vivantes ». Il ajoutait : « nous ne pouvons suffire seuls à inculquer à nos élèves tout le vocabulaire passif nécessaire pour comprendre un texte à première lecture, non plus que le vocabulaire actif suffisant pour écrire correctement plusieurs pages… Dans cette double tâche, il nous faut l’aide du dictionnaire, qui doit donc être pour nos élèves un instrument et d’acquisition de vocabulaire tant actif que passif et de contrôle de vocabulaire actif . » Cette longue citation explique peut-être le nombre élevé d’ouvrages de vocabulaire qui ont paru, et ont été utilisés, depuis.
En 1985, Les Langues Modernes ont publié un numéro sur « L’apprentissage du lexique » (n° 3/4, 1985) qui, outre les articles qu’on peut, me semble-t-il, toujours consulter, comportait une bibliographie des ouvrages de vocabulaire anglais rédigée par notre collègue P. Cotte. Celui-ci répertoriait 44 ouvrages comprenant listes, lexiques, manuels, faux-amis, notions/fonctions, conversation, registres de langue, variétés, usage, 19 dictionnaires, 11 livres sur les noms composés, 4 sur les prépositions, 31 sur les locutions et expressions… Et entre 1985 et 2009 la revue a recensé (comptes-rendus à l’appui) 58 ouvrages concernant lexique et dictionnaires (et peut-être en ai-je oubliés…)
Il n’est donc pas surprenant qu’avec le développement des outils informatiques Les Langues Modernes se penchent à nouveau sur le problème. Je voudrais cependant citer à ce propos un passage de l’introduction du numéro de 1985, rédigé par Daniel Thomières et Michel Paillard qui, dans un essai de typologie d’exercices d’apprentissage, écrivaient :
« Il ne fait aucun doute que ces exercices faits en classe, au cours desquels il faut encourager les élèves à poser le maximum de questions (au besoin en français, pour être absolument sûr qu’ils ont compris), doivent être suivis d’un apprentissage rigoureux par cœur à la maison et de contrôles réguliers en classe, ainsi que par des séances de révision et des possibilités de réemploi. La majorité de nos élèves croient qu’avoir vu un mot au tableau ou dans un livre suffit pour le savoir définitivement. Bien évidemment, rien n’est plus faux. L’élève doit donc éduquer sa mémoire, l’entraîner. Il est étonnant de constater que nous sommes passés en une vingtaine d’années d’une pédagogie où seule la mémoire était sollicitée à des techniques d’enseignement qui considèrent réactionnaire de demander de mémoriser. Nous savons qu’il est effectivement stupide d’apprendre par cœur sans avoir compris, mais il est indispensable de fixer ce que l’on a compris de manière à l’avoir disponible pour être réinjecté dans d’autres exercices et pour aider à acquérir et à structurer de nouveaux éléments. Ajoutons enfin que les élèves adorent avoir un carnet qu’ils remplissent au cours de leurs lectures plus ou moins personnelles. Pourquoi ne pas les y encourager ?… mais en les guidant, en relisant régulièrement ce qu’ils y ont écrit, et surtout en leur demandant de ne pas noter seulement un mot et sa traduction (car il est probable qu’ils tiennent absolument à la traduction, donc ne les contrarions pas), mais aussi le maximum de renseignements (genre, accent tonique, mots qu’ils ont trouvés avant ou après, etc.). On dit parfois, en effet, que l’on n’enseigne pas le vocabulaire, mais qu’il s’apprend. Ce paradoxe apparent veut dire que l’apprentissage est affaire individuelle pour l’élève. L’enseignant, pour sa part, peut proposer des matériaux, favoriser certains types d’exercices, procéder à des contrôles afin d’aider l’apprenant à se construire les outils nécessaires à l’acquisition et à la structuration du lexique, mais il ne peut remplacer l’élève dans ses lectures, relectures, hypothèses et tâtonnements, etc. Notre problème, à l’heure actuelle, est d’encourager les élèves à lire chez eux (voire à écouter des radios étrangères lorsque c’est possible). Il y a ici un gros problème de motivation pour les langues, mais aussi de temps libre et peut-être surtout de manque de textes intéressants et stimulants… »
Je pense que les lecteurs de la revue, même en tenant compte des moyens modernes dont nous disposons maintenant, trouveront que ce texte n’a pas perdu de son actualité.
C’était dans Les Langues Modernes n° 3/4 de 1985.