La lecture des anciens numéros des Langues Modernes est instructive. C’est ainsi qu’en feuilletant un exemplaire de 1977, j’ai retrouvé les comptes rendus des Journées d’Études de Lille de 1976 qui portaient sur... la formation des enseignants de langues. Parmi les différents articles, je voudrais faire relire deux pages qui résument l’intervention d’un collègue, alors président de la Régionale, proposant, après réflexion et discussion avec les collègues, un plan de formation des maîtres en vue d’améliorer l’année de stage en Centre Pédagogique Régional [1] (CPR).
C’est un programme qui, pour beaucoup de points, a été repris dans les IUFM et qui mêlait théorie et pratique, avec des stages. Rappelons que le premier IUFM a été ouvert, à titre expérimental à Lille en 1990 (en même temps que celui de Grenoble et de Reims). Le directeur, Joseph Losfeld, était d’ailleurs venu à l’A.G. de la Régionale, le 3 avril 1991, présenter l’institut, insistant sur le nombre de professeurs à former et sur la difficulté à faire travailler dans une même structure des formateurs venus d’horizons divers - Université, Inspection, Sciences de l’Éducation, anciennes Écoles Normales, etc. (Les Langues Modernes, n° 4, 1991).
Voici ce qu’écrivait J.S. Price :
« 1 - Formation professionnelle nécessaire aux enseignants de toutes les disciplines
a - Étude de la relation entre le système de l’éducation, l’individu et la société.
Cette étude comprendrait la psychologie de l’éducation, l’étude du développement psychologique de l’enfant et de l’adolescent, la sociologie de l’éducation.
b - Étude de l’organisation du système d’éducation en France.
L’étudiant apprend ainsi les différents types d’école, l’organisation du pouvoir et du financement, les possibilités de réforme et de transformation, l’histoire de l’éducation dans le pays.
c - L’organisation de la vie de la classe - techniques de travail et de discipline avec grands ou petits groupes - étude de la relation enseignant-enseigné.
d - Initiation au travail avec les autres disciplines et avec les collègues de sa propre discipline.
2 - Formation comme enseignant de langue étrangère
A - Les compétences
a - Maîtrise de la langue enseignée
Condition indispensable pour l’enseignant. Cette compétence exige le séjour d’un an dans un des pays de la langue étrangère en plus des éléments fournis au cours de la scolarité universitaire.
b - Techniques pédagogiques
Comment la langue enseignée peut être décomposée en éléments pédagogiques qui peuvent être maîtrisés par les enseignés. Comment programmer l’enseignement de la langue étrangère. Comment établir un programme pour une année scolaire.
c - La gestion de l’enseignement
Comment évaluer les rythmes différents d’apprentissage des élèves dans sa classe et s’y adapter. Comment collaborer avec les enseignants de la même classe et avec les enseignants de la même matière. Les techniques d’évaluation.
B – L’ information
a - concernant l’éducation : les différentes façons d’aborder l’enseignement d’une langue. La méthodologie audio-visuelle, audio-orale, etc. Techniques d’expression corporelle, techniques théâtrales, mime, chant, etc.
b - concernant les programmes et les manuels : la technologie de l’enseignement des langues, critique des manuels et du matériel d’enseignement - emploi du magnétophone, du labo de langues, tableau de feutre, etc.
c - Introduction à l’étude du langage qui pourrait comprendre :
- l’étude de l’acquisition de la langue chez l’enfant,
- les défauts de prononciation et leur correction,
- l’étude du langage à travers la description de la langue étudiée et de la langue maternelle (le français).
d - L’étude, sous la forme d’une ou plusieurs options, de l’histoire, de la géographie, de l’économie, de la littérature du ou des pays de la langue étudiée.
C - La théorie
Chacun des chapitres ci-dessus comprendrait une composante théorique dont le rôle serait d’étayer les principes de l’enseignement des langues. Cette étude ne serait pas limitée à une seule théorie.
3 - Formes de l’enseignement
Celles-ci comprendraient non seulement des cours magistraux mais aussi des T.P., T.D. et des stages qui pourraient prendre la forme de :
a - Observation de démonstrations, spécialement conçues pour la formation des maîtres, de techniques spécifiques et observations de leçons complètes.
b - Observation de classes réelles.
c - Entraînement à la préparation de plan de cours.
d - Micro-enseignement utilisant le magnétoscope et éventuellement la télévision en circuit fermé. Séquences filmées montrant les différentes techniques d’enseignement et permettant l’autocritique du stagiaire.
e - Enseignement d’une partie ou de la totalité d’une leçon sous la responsabilité d’un conseiller pédagogique.
f - La critique et discussion de l’enseignement du stagiaire.
g - Le stage en responsabilité.
L’étude du système d’enseignement du pays comprendrait des visites à des établissements de types différents : écoles primaires, CES, CET, lycées techniques, lycées classiques, IUT, centres de formation permanente. Il est nécessaire d’établir une instance de concertation qui réviserait périodiquement le contenu et la forme de la formation, car la formation des maîtres évolue en fonction des apports des disciplines qui y participent. Seraient représentés dans ces instances :
- Les représentants enseignants de tous les ordres d’enseignement,
- Les représentants des stagiaires.
Cette instance pourrait également délibérer du contenu de la formation permanente des maîtres ».
Comme on peut le constater, l’APLV n’était pas en retard au sujet de la formation des maîtres et, compte tenu de quelques modifications dues aux progrès technologiques (ordinateurs, multimédia), ses propositions ne semblent pas obsolètes...
C’était dans Les Langues Modernes, n°5-6, 1977.