C’est en 1994 qu’un premier dossier des Langues Modernes a été consacré à l’éthique. Il nous a semblé utile de revenir, plus de vingt ans après, sur cette dimension qui donne tout leur sens à nos métiers, et qui concerne peut-être plus singulièrement l’enseignement des langues. Les linguistes se considèrent volontiers comme des passeurs culturels ; et par ailleurs, en invitant les classes à négocier du sens dans une autre langue, ils ont conscience de procéder à une bouleversante ouverture à l’autre. Dans le dossier de 1994, Jean-Max Thompson parle de « faire sentir le vent frais de l’altérité » dans la classe de langue. Maurice Sachot nous y livre de son côté, sous la plume de Victor Basch, une magnifique définition de la notion de discipline scolaire, dont la dimension émancipatrice lui donne tout son sens. Il met résolument en relation enseignement des langues comme discipline scolaire et éthique laïque. Citant un article de Jacques Roux dans le même dossier, Christian Puren, coordonnateur de ce numéro 3 de 1994, montre que lorsque les certitudes méthodologiques ont disparu, comme c’était le cas à cette période, ce qui doit prévaloir chez les pédagogues de langues est une éthique de la responsabilité. Il ajoute qu’il est grand temps que du côté des évaluateurs des enseignants de telles certitudes disparaissent également au plus vite pour faire place à une beaucoup plus grande attention à la créativité des acteurs de terrain.
Si je cite abondamment ce numéro d’il y a plus de vingt ans, ce n’est bien sûr pas pour occulter le présent dossier sur « Éthique et enseignement des langues » qu’ont magnifiquement coordonné Maria-Alice Médioni (Secteur Langues du GFEN) et Jean-Paul Narcy-Combes (DILTEC, Sorbonne Paris-3), mais d’abord pour le restituer dans notre politique éditoriale et aussi pour rappeler à nos lecteurs que désormais la collection des numéros des Langues Modernes est consultable en ligne sur le site Gallica : l’APLV a engagé avec la BnF un partenariat, initié par Jean-Yves Petitgirard et repris par Laure Peskine, aux termes duquel la BnF assure la numérisation et la mise en ligne sur Gallica des archives de l’APLV de 1903 à 2003. Le numéro 3-1994 cité ici est en ligne. Lorsque ce travail de mise en ligne sera achevé, ce seront près de cent années d’édition des Langues Modernes qui seront ainsi accessibles de façon libre et gratuite.
La Société des Professeurs de Langues Vivantes de l’Enseignement Public a publié son premier bulletin en mai 1903. À partir de 1907, le bulletin devient une véritable revue et prend le nom de Les Langues Modernes, le Bulletin mensuel des Professeurs de Langues Vivantes de l’Enseignement Public. Si l’on excepte une interruption entre 1941 et 1945, la publication des Langues Modernes n’a jamais cessé depuis.
Plusieurs centaines de numéros sont donc désormais accessibles sur BnF Gallica. Cet ensemble très varié – dossiers thématiques, prises de position de l’association sur la politique linguistique et sur l’actualité de l’enseignement des langues vivantes, décisions concernant son organisation interne, comptes rendus de séminaires et journées d’étude consacrés à la pédagogie, comptes rendus de lecture d’ouvrages – peut intéresser tout lecteur curieux d’en savoir plus sur l’enseignement des langues sur cette longue période, ainsi que de nombreux chercheurs en didactique, en sciences de l’éducation, en sociologie, en histoire de l’éducation.
Revenons au présent numéro : je tiens à remercier Maria-Alice Médioni et Jean-Paul Narcy-Combes pour le dossier rassemblé par leurs soins ; je suis sûr qu’il convaincra le lecteur de la nécessité de poser avec force, aujourd’hui comme hier, les questions d’éthique dans l’exercice du métier de professeur de langue. Comme l’expriment les coordonnateurs dans leur introduction au dossier, le sujet est loin d’avoir été épuisé par les contributions retenues, pourtant diverses et adossées à des contextes variés. On pourra s’en convaincre en lisant les éléments de conclusion de l’introduction de ce dossier.
Nos lecteurs trouveront par ailleurs les rubriques habituelles de notre revue, notamment le dessin de Benoît Cliquet, les livres reçus, recensés par Ulrich Hermann, et diverses informations sur l’association.
Je vous souhaite une excellente lecture.
Éditorial des « Langues Modernes » n° 4/2016, par Pascal Lenoir, rédacteur en chef
mercredi 7 décembre 2016