À l’heure où j’écris ces lignes, le nouveau ministre de l’Éducation Nationale ne s’est pas encore exprimé à propos de l’enseignement des langues. Cette question ayant aussi été relativement absente de la campagne présidentielle, il nous est assez difficile de connaître les grandes orientations du ministre dans ce domaine. Une vraie politique linguistique a-t-elle été élaborée ? Les seules modifications intervenues à l’heure actuelle concernent surtout le statut des enseignants et leurs conditions de travail, et la communication s’effectue principalement en direction des syndicats d’enseignants et non des associations de spécialistes comme la nôtre. On notera néanmoins que l’abrogation du décret de Robien met un terme –provisoire ?- au développement de la bivalence des professeurs.
Nous sommes donc dans l’attente, avec toutefois quelques inquiétudes. Le grand élan de réformisme pragmatique auquel nous assistons pourrait conduire certains à emprunter quelques raccourcis pour ne voir qu’un aspect utilitariste de l’apprentissage des langues vivantes. J’ai d’ailleurs en mémoire une entrevue avec M. Darcos à l’époque où il était Chef de cabinet de François Bayrou, alors ministre de l’Education Nationale. Une question, certes posée sous forme de boutade, nous avait un peu inquiétés : « Etes-vous favorable à l’idée de rendre l’apprentissage de l’anglais obligatoire ? Il s’agirait bien sûr d’un anglais allégé, une sorte « d’anglais d’aéroport » (on parlerait de « globish » aujourd’hui) ». Fort heureusement, notre réponse négative immédiate avait suffit à arrêter la conversation sur ce thème. Mais l’époque pourrait se révéler favorable à la réapparition de tels projets. Prudence donc !...
Cette année a vu se mettre en place les nouvelles épreuves de langues du baccalauréat STG avec notamment les épreuves de production orales passées de manière anticipée par les candidats dans leurs établissements avec les enseignants qui y exercent. Les épreuves de compréhension de documents audio, véritable nouveauté de l’examen, ne seront mises en place que l’an prochain. Nous avons reçu des courriers de collègues signalant des difficultés d’organisation de ces épreuves. Il est ainsi regrettable que les candidats de la session 2007 n’aient été prévenus que tardivement des modalités nouvelles des épreuves, de même pour certains examinateurs qui ne sont pas prêts à jouer le jeu de l’impartialité, nécessaire puisqu’ils connaissent certains des élèves. Il faut aussi remarquer que les examinateurs ne sont pas rétribués, ce travail étant inclus dans leur service. Cependant, l’APLV continue d’approuver l’attitude volontaire de la DESCO qui a tenu à mettre en place ces épreuves, malgré les obstacles envisagés, permettant ainsi d’évaluer à terme toutes les compétences en langues.
J’ai entendu une conseillère de campagne du Président de la République, devenue ministre depuis lors, déclarer que l’organisation du baccalauréat en France était trop compliquée et coûtait trop cher et que, par comparaison avec certains pays, le nombre d’épreuves était trop élevé. Les épreuves multiples précitées et optionnelles de langues étaient dans la ligne de mire. Certes les épreuves de langues du bac STG ne sont pas parfaites, mais elles vont selon nous dans le bon sens et demeurent nationales. Si l’exemple de pays voisins était suivi et que l’organisation des examens était confiée à des sociétés privées, on imagine bien que les conditions d’évaluation des langues vivantes seraient soumises à de toutes autres règles.
Après un numéro consacré aux « séjours et échanges » se voulant résolument pratique, les Langues Modernes retrouvent une de leurs autres fonctions, celle de la réflexion sur les langues elles-mêmes, avec ce numéro consacré aux « Temps, modes et aspects ». Ceci témoigne bien de la capacité de notre revue à s’intéresser à l’enseignement de toutes les langues vivantes et sous toutes ses formes, afin de demeurer le compagnon incontournable des professeurs de langue quel que soit le niveau auquel ils interviennent.
Bonne lecture.
Sylvestre Vanuxem