Avant les deux tours de l’élection présidentielle, l’APLV a adressé un courrier à tous les candidats pour leur rappeler ses positions sur la nécessité d’une politique nationale en matière de diversification linguistique et de continuum à tous les niveaux d’études de tels enseignements diversifiés des langues vivantes étrangères et régionales, dans le respect de l’égalité territoriale, avec un personnel enseignant qualifié et des conditions de travail à la hauteur des enjeux pour l’avenir de notre pays et de sa jeunesse. Seule l’équipe « En Marche » du candidat Emmanuel Macron, élu depuis Président de la République, a répondu qu’elle prendrait contact avec l’APLV à l’issue des élections. Après la constitution du gouvernement, nous attendons donc la concrétisation rapide de cette déclaration, au plus tard à la fin de la période électorale des législatives.
En effet, la période électorale actuelle, même si elle ne l’a pas toujours souligné explicitement dans la plupart des programmes, a remis en avant de facto les enjeux éducatifs à tous les niveaux pour l’avenir de notre pays. L’éducation nationale, si elle dispose pleinement des éléments matériels, des conditions d’enseignement et des ressources humaines en nombre et qualité à la hauteur de ces enjeux, peut répondre aux attentes de nos concitoyens. Celles-ci sont élevées en matière d’égalité des chances, d’acquisition par tous, quelles que soient leurs situations sociales et géographiques, des outils de développement personnel et de réussite professionnelle, aussi bien pour la formation initiale, de la maternelle à l’université, que pour la formation continue, devenue essentielle dans une société en mouvement. Dans une telle perspective, la contribution des enseignements de langues vivantes étrangères et régionales à la diversité linguistique et culturelle est essentielle pour la réduction des fractures de la cohésion sociale et territoriale, l’éducation à la tolérance et au respect de l’autre, l’appropriation positive par les citoyens de leur place au sein du contexte international ainsi que leur participation active à la construction d’une Europe des peuples. Le temps des théorisations déconnectées de la réalité et de l’empilage des réformes technocratiques imposées unilatéralement par la hiérarchie institutionnelle doit être révolu pour remettre au premier plan la pratique de la classe dans un dialogue ouvert et permanent, incluant les échanges réciproques entre experts et praticiens du terrain.
La journée d’étude consacrée aux langues vivantes étrangères et régionales dans l’enseignement secondaire organisée le 10 mars 2017 par l’APLV en partenariat avec le SNES, s’inscrit pleinement dans cette démarche comme dans les enjeux de la période. Elle a suscité l’intérêt de nombreux collègues venus de différents points du territoire et nous avons pu dénombrer plus de 100 participants lors de la matinée. Je tiens à remercier Valérie Sipahimalani, Sandrine Charrier et Marc Rollin du SNES pour leur accueil, l’organisation commune et l’animation avec le rédacteur en chef des Langues Modernes Pascal Lenoir, des débats qui suivirent les interventions des deux conférenciers invités, Jean-Jacques Richer et de Maria-Alicia Medioni. Vous retrouverez sur le site de l’APLV les interventions des deux conférenciers [1]. Vous y retrouverez aussi l’appel commun APLV-SNES pour les langues vivantes étrangères et régionales qui a conclu cette journée. Sa publication a été retardée jusqu’à la nomination du nouveau gouvernement auquel cet appel s’adresse désormais avec les demandes et propositions des enseignants de langues vivantes étrangères et régionales de l’enseignement secondaire. Les enjeux se situent aussi dans le cadre de la continuité des enseignements du primaire au supérieur sur l’ensemble du territoire : celle-ci est encore trop souvent absente, interrompue ou éphémère dans notre pays, en fonction des établissements, des horaires alloués, ou de la présence ou non de plusieurs langues enseignées. Le dialogue étant désormais promulgué au plus haut niveau de l’état, l’APLV dispose d’éléments solides relevant de son expertise associant recherche et expériences de terrain pour y participer.
L’enseignement des langues vivantes étrangères et régionales à l’école primaire s’inscrit aussi parmi les nécessités urgentes, que ce soit en matière de volume horaire ou de qualification des maîtres. Suite à la demande d’audience au Ministère sur ces questions, j’avais été reçu avec Norah Leroy, membre du Conseil d’Administration de l’APLV et formatrice en ÉSPÉ, le 25 mars par Monsieur Eric Tournier, Conseiller au Cabinet de la Ministre. Nous espérons que les notes prises par notre interlocuteur auront été transmises à la nouvelle équipe ministérielle pour laquelle ce chantier demeure entier, au cas contraire, nous disposons des éléments de notre intervention et des textes transmis, rédigés par notre collègue Jeanny Prat, également membre du Conseil d’Administration de l’APLV et formatrice en ESPE.
Le dossier de cette livraison des Langues Modernes s’inscrit pleinement dans cette réflexion sur les enseignements des langues vivantes à l’école primaire, je remercie les coordinatrices et je vous en souhaite une excellente et enrichissante lecture.
L’actualité a aussi rappelé cette urgence, puisque j’ai été sollicité par Le Figaro pour une interview, publiée dans son édition du 10 mai et reprise par le site de BFM TV, à propos d’une étude effectuée par l’Université Ruhr-Bochum en Allemagne et remettant en question au vu des résultats l’apprentissage des langues vivantes en Allemagne à l’école primaire. J’ai souligné, comme le montrent d’ailleurs les auteurs de cette étude, que c’est le saupoudrage, qui en France s’effectue aussi du CP au CM2 en deçà du seuil minimum de 3h hebdomadaires reconnu par les experts, qui est surtout responsable de cette situation.
Le problème est d’ailleurs identique au collège, suite à la réforme mise en place à la dernière rentrée, où la LV2 a été introduite dès la classe de 5e, ce qui a été une avancée, mais à raison de 2h30 hebdomadaires de la 5e à la 3e, au lieu des 3h hebdomadaires antérieures en 4e et 3e. Cette problématique demeure pour la réouverture de classes « bi-langues » et de sections européennes, annoncée d’abord par le Président de la République, Emmanuel Macron, puis par le nouveau Ministre de l’Éducation Nationale, Jean-Michel Blanquer. Comme j’ai été amené à le déclarer aux médias qui m’ont sollicité à propos de cette décision (Le Figaro, L’Express, RTL Midi en direct), il faudrait y consacrer les moyens horaires hebdomadaires minimaux nécessaires qui ne seraient pas excessifs à mettre en œuvre par rapport aux enveloppes existantes (par exemple, pour les classes « bi-langues » (ré)ouvertes le besoin n’est que de 3h30 et on peut alors généraliser le dispositif sur tout le territoire : 2h en 6e dans le cadre d’un partage 3h LV1 et 3h LV2, au lieu de 4h pour la seule LV1 depuis la réforme, et 0h30 respectivement en 5e, 4e et 3e pour la LV2, soit 1h30). Les difficultés pratiques vont surtout résider dans la réouverture d’enseignements de langues vivantes, qui ont disparu entièrement dans certains établissements depuis les suppressions liées à la réforme, et dans le comblement de la disparité territoriale, y compris en amont, au niveau du primaire.
Si l’APLV salue l’intérêt annoncé par les autorités nouvellement élues pour une meilleure diversification des enseignements de langues vivantes étrangères et régionales avec un rééquilibrage indispensable, sa concrétisation sur l’ensemble du territoire, vu la situation actuelle, ne saurait être assurée dans le cadre seul de l’autonomie des établissements, car elle dépendra souvent en dernier ressort du chef d’établissement. Une volonté politique forte à l’échelon national, relayée par l’administration avec l’octroi des moyens indispensables, doit accompagner cette autonomie. L’APLV est ouverte au dialogue à ce sujet.
La note du président - n°2/2017 des « Langues Modernes », par Jean-Marc Delagneau
vendredi 2 juin 2017
[1] Intervention de Jean-Jacques Richer, intervention de Maria-Alicia Medioni